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eux dans de petites strophes, dont la plus charmante évoque, par une claire nuit de lune, le camp aux blanches tentes et plaint ses enfans qui souffrent du froid pour lui. Si le labeur, les émotions ruinaient sa santé chancelante, du moins pouvait-il constater que la joie des victoires remportées effaçait peu à peu et les divisions de l'ancien régime et les haines de la Révolution.

Cette œuvre d'apaisement n'était pas cependant tellement avancée que, les hostilités terminées, les partis d'opposition ne cherchassent tous les moyens de discréditer Katsura, dont le génie les offusquait. Ils persuadèrent au peuple, énervé par dix-huit mois de guerre, que la paix de Portsmouth méconnaissait les droits du Japon. La nouvelle d'un si beau triomphe aurait dû produire un débordement de joie, ce furent des soulèvemens, des incendies, des coups de feu entre la populace et la police, Tokio mis en état de siège et les troupes campant dans les rues comme si l'étranger vainqueur avait envahi l'archipel. Aussi l'empereur intervint-il avec une grande bonté, mais une juste sévérité ; dans son message il prenait la responsabilité des conditions de paix acceptées et terminait en « mettant fortement ses sujets en garde contre toute manifestation de vaine fierté, en leur ordonnant de se livrer à leurs occupations ordinaires et de faire tous leurs efforts pour consolider l'empire. » Le peuple se soumit, et quand l'empereur se rendit dans le sanctuaire de l'Ise pour remercier la déesse solaire et ses ancêtres des succès obtenus, tout le pays était de cœur avec lui.


Les émotions de la guerre avaient transformé le caractère de Mutsuhito. La protection des dieux à laquelle il attribuait ses victoires avait fortifié chez lui le sentiment qu'il avait reçu d'eux une mission religieuse, tandis qu'une maladie, contractée par les émotions et l'excès de travail, lui rappelait sans cesse que le temps lui était mesuré. Sa vie fut dès lors entièrement consacrée à ses devoirs de souverain. Levé à six heures, il déjeunait à sept avec l'impératrice, pour laquelle son affection avait encore grandi avec les années ; à huit heures, il entrait dans son cabinet, où il s'occupait avec les ministres et les hauts fonctionnaires jusqu'à la fin de la journée ; le plus souvent on lui apportait son repas de midi dans cette pièce ; on ne pouvait obtenir de lui qu'il prit de l'air et fit de l'exercice, même en le