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qu'il entendit le faire à la façon d'un souverain occidental ; c'eût été contraire aux traditions japonaises, contraire aussi à son caractère, dont la principale qualité était de chercher l'homme le plus capable d'accomplir une tâche particulière et de s'en remettre à lui du soin de la mener à bien. Il avait donné sa confiance au général Katsura. Ce choix était digne de lui. Supérieur à Ito et à Yamagata, l'égal de Kido et d'Okubo, Katsura s'impose en effet par les qualités de l'esprit et par celles du caractère : soldat depuis son enfance, il est hardi, énergique, prompt à se décider, et cependant, devenu chef du gouvernement, on l'a trouvé conciliant, diplomate, habile, quelques-uns disent même trop habile ; comme ministre de la Guerre, comme président du Conseil, comme ministre des Finances, il a montré un talent d'organisation supérieur. Mais ce qu'il a de génial, c'est la faculté de voir loin et de voir grand ; il ne traite pas les questions au jour le jour, uniquement préoccupé de sortir des difficultés du moment, il a une politique, et c'est la politique d'un grand ministre gouvernant un grand empire. L'empereur sut imposer son ministre au pays, au Parlement, au seiyukai d'ito, plus intrigant que jamais, par deux dissolutions de la Chambre. Le ministre répondit à cette confiance en réalisant la politique dont l'empereur avait conçu les grandes lignes, et ce furent la première alliance anglaise, la guerre de Mandchourie, la paix de Portsmouth, la seconde alliance anglaise, le protectorat de la Corée. Cette époque fut la plus glorieuse, mais aussi la plus rude de la vie de Mutsuhito. Le maréchal Yamagata n'a-t-il pas dit en parlant du conseil où ministres et genre réunis sous la présidence de l'empereur décidèrent de rompre les négociations avec la Russie : « Nous étions décidés, dans le cas où les événemens nous seraient défavorables, à lutter jusqu'à ce qu'il ne restât rien de cet empire ? » La guerre déclarée, l'empereur, malgré le travail et les soucis que lui donnaient la diplomatie, les finances, la conduite générale de la campagne, vécut par le cœur la vie même de ses troupes, souffrant des journées d'angoisse quand arrivaient les dépêches contradictoires qui racontaient les grandes batailles, plein de reconnaissance après chaque victoire pour tous ceux, grands et petits, qui l'avaient remportée, s'intéressant au bien-être de ses soldats, leur envoyant des couvertures tissées par les mains des femmes qui l'entouraient, des livres, même des friandises, disant son amour pour