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ses progrès, venait donc de disparaître ; il pouvait maintenant espérer une alliance. Mais Ito, dont l'ambition ne connaissait plus le repos, était revenu à l'idée de former un parti politique. L'empereur, qui s'était détaché de lui, jugea cette fois qu'il devait le laisser libre. Ito négocia donc avec Itagaki, qui lui céda la direction des radicaux ; ceux-ci prononcèrent la dissolution de leur parti historique et s'unirent aux amis personnels d'Ito pour fonder le parti libéral constitutionnel ou seiyukai. L'empereur, à qui l'âge avait appris la patience, consentit à la retraite de Yamagata et confia le pouvoir au nouveau parti (1900) ; il demanda même à la Chambre des pairs de ne pas lui faire d'opposition systématique. Mais, au bout de quelques mois, Ito, harassé des exigences des radicaux, remit sa démission et, malgré les instances affectées des autres genro, heureux de le voir dans une position ridicule (1901), il refusa de la reprendre.


Mutsuhito avait obtenu ce qu'il désirait. Ce n'était pas seulement se défaire d'Ito, c'était se défaire de tous les genro. Ces hommes, qui avaient débuté dans les conseils de la Révolution, qui depuis avaient constamment occupé le pouvoir, se prêtaient mal à la réalisation de ses conceptions personnelles ; chargés d'honneur et de gloire, ils se souciaient peu de les compromettre en prenant les redoutables responsabilités qu'exigeait la situation extérieure ; attachés aux idées d'une autre époque, ils ne comprenaient pas les sentimens et les besoins du Nouveau Japon, poursuivaient une politique de clans, alors que la nouvelle génération demandait une politique nationale et, se jugeant indispensables, considéraient leurs ambitions, leurs querelles comme la principale affaire de l'Etat. Le public était las d'eux. D'ailleurs Kuroda était mort, Saigo se mourait, Inoue avait perdu sa santé, Oyama et Matsukata ne désiraient plus se mêler de politique, la haine qui séparait Ito et Yamagata rendait impossible de les rappeler l'un ou l'autre aux affaires. L'empereur déclara donc qu'il choisirait dans l'avenir ses ministres en dehors des genro. Il les récompensa magnifiquement et continua de les consulter avec une parfaite courtoisie ; Yamagata conserva le contrôle supérieur de l'armée ; Ito reçut des missions de confiance ; ni l'un ni l'autre ne dirigea plus la politique générale. Mutsuhito avait résolu de gouverner par lui-même : ce n'est pas