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pour être prêt à l'heure du danger et l'on parlait de les disperser en affaiblissant l'autorité de l'Empereur, en confiant l'achèvement du programme Post Bellum à des parlementaires préoccupés uniquement de leurs intérêts privés. Saigo, Kuroda, Oyama, Matsukata se rangèrent à l'avis du maréchal et l'empereur, résumant les débats, déclara qu'il ne pouvait permettre à Ito de fonder un parti. Celui-ci s'inclina, mais il donna sa démission en conseillant à l'Empereur d'appeler au pouvoir Okuma et Itagaki (1898).

Mutsuhito craignait de ramener les troubles de 1881 dans le moment même où les puissances venaient de se partager la Chine ; très fin d'ailleurs, habitué à diriger les hommes, il savait que confier le pouvoir à l'opposition, c'était la ruiner. Il fit donc venir Okuma et Itagaki et leur posa ses conditions, qui étaient de conserver les ministres de la guerre et de la marine et de poursuivre le programme financier tracé par Matsukata ; sur leur réponse affirmative, il confia la présidence du conseil à Okuma, l'intérieur à Itagaki et nomma aux autres postes des députés appartenant aux deux partis vainqueurs ; c'était la première fois que des membres de la Chambre recevaient des portefeuilles. Les élections ne tardèrent pas à diviser radicaux et progressistes, qui firent âprement campagne les uns contre les autres. En automne, il se produisit un incident caractéristique : un ministre progressiste s'étant permis dans une phrase plus maladroite que malintentionnée de parler du temps où le Japon pourrait se trouver en république, tout le monde s'indigna, excepté l'empereur. Les radicaux exigèrent l'expulsion du fâcheux, qui leur fut accordée ; ils exigèrent aussi sa place, qu'on se garda bien de leur donner. Ils rompirent alors leur alliance avec les progressistes. Les deux partis en vinrent aux mains, et la police, qui appartenait à Itagaki, malmena les amis du président du Conseil. Force fut à tous les ministres de donner leur démission sans avoir même pu se présenter devant la Chambre, où ils avaient les deux tiers des voix.

L'empereur considéra que l'expérience avait été concluante : il appela aux affaires le maréchal Yamagata (1898-1900). Celui-ci accomplit heureusement une partie du programme diplomatique en obtenant que l'Angleterre, embarrassée au Transvaal, confiât, dans l'affaire des Boxers, le souci de ses intérêts au Japon ; la coalition des puissances, qui avait toujours arrêté