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sans doute la conséquence forcée de l’influence européenne, mais c’est aussi le résultat de ces relations d’affection que Mutsuhito voulut établir entre lui et son peuple. En communiquant la Constitution à ses sujets, descendans des loyaux et bons sujets de ses ancêtres, il les assura qu’il comptait sur leur coopération jour mener à bien l’œuvre entreprise. Aussi leur accorda-t-il tous les droits civils et politiques qu’ont les citoyens des pays les plus favorisés. Il les associa même à l’exercice de son autorité en créant un Parlement composé de deux Chambres : la Chambre des pairs, dont les membres sont héréditaires, nommés par l’Empereur ou élus par les plus imposés, et la Chambre des députés, dont les membres sont élus par ceux qui paient un cens déterminé. Ce régime, qui a étonné les Européens, n’est donc ni l’absolutisme, ni le gouvernement parlementaire, c’est une forme nouvelle de l’ancien patriarcat, qui devait réaliser, dans la pensée de Mutsuhito, une union plus intime du souverain et du peuple et qui, malgré les troubles causés par les partis d’opposition, l’a dans une grande mesure réalisée.

Pour fortifier davantage cette union, Mutsuhito voulut que la monarchie nouvelle fût délibérément morale et religieuse. Tandis que ses ministres s’efforçaient de développer l’instruction publique et de répandre les connaissances de l’Europe, lui-même travaillait à restaurer les principes ébranlés par la Révolution : pour y réussir, il jugea nécessaire de s’adresser directement à son peuple, non seulement comme souverain, mais encore comme représentant des aïeux divinisés ; tel fut le but du rescrit sur l’éducation du 30 octobre 1890. L’adoption progressive des lois européennes, le mépris que les chefs de la Révolution avaient montré pour le confucianisme et le bouddhisme, le mouvement d’indépendance et d’anarchie qu’avait produit la destruction de l’ancienne société, l’introduction de nouvelles conditions économiques, la carrière prodigieuse des aventuriers, qui s’étaient poussés dans la politique ou enrichis par la spéculation, avaient fait douter de tous les préceptes, ébranlé les relations sociales et même la famille. L’empereur, parlant donc à son peuple comme un maître et comme un père, lui dit en substance : Malgré la Révolution, la société subsiste, chacun doit gagner sa vie en travaillant de son métier sans chercher à sortir inconsidérément de sa sphère ; l’ordre est le plus précieux des biens et la condition même de la richesse ; le fondement de