Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 11.djvu/414

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

réservé à la sanction du Parlement, qui les a votés de 1890 à 1911. Cette œuvre s’inspira d’abord et avant tout du caractère et des besoins des Japonais ; par suite, elle se montra respectueuse de la tradition et revint sur beaucoup des mesures destructives trop hâtivement accomplies : le bouddhisme ne fut plus persécuté ; la noblesse fut rétablie, les nouveaux titres furent partagés entre les kuge, les daïmio et les hommes nouveaux que l’empereur anoblit comme Ito et Yamagata ; l’ancienne caste militaire fut maintenue sous un autre nom ; on fit une large place aux samurai dans l’administration et dans l’armée, on facilita leur entrée dans les professions libérales, l’industrie, la banque et le commerce ; les gildes se reconstituèrent. Cependant l’œuvre de destruction avait été poussée trop loin pour qu’on pût restaurer beaucoup d’institutions du passé ; l’isolement du Japon avait été trop long pour que la plupart de ces institutions ne fussent pas incompatibles avec la civilisation générale. On fit donc les plus larges emprunts à l’Occident, en reconnaissant que, dans l’ensemble, sa civilisation représentait une forme supérieure de la civilisation humaine ; seulement, averti par les fautes de l’époque précédente, on employa une méthode vraiment scientifique : tout ce qu’on prit à l’Europe, on s’efforça de l’assimiler à ce qui subsistait de l’ancien Japon.

Un pareil respect des traditions ancestrales suffirait seul à témoigner de la part qui revient à Mutsuhito dans les institutions nouvelles, mais d’autres signes permettent encore d’y reconnaître son esprit avec les tendances diverses que lui avaient données l’éducation première et l’expérience des années difficiles. Tel est d’abord le cas pour la Constitution, qu’il avait accordée à regret et qu’il finit par considérer comme son œuvre capitale. Sous une forme d’apparence occidentale, elle achevait à ses yeux l’œuvre même des ancêtres. Le Japon reste ce qu’il était dans le passé, une monarchie de droit divin, et, comme dans le passé, le monarque, pour ne pas perdre son caractère sacré, n’exerce pas directement sa puissance : il a recours à l’entremise de ses ministres nommés par lui et responsables envers lui seul, comme aussi de ses fonctionnaires, qui tous ne dépendent que de lui, car l’abstention apparente du souverain ne doit plus aboutir à son abstention réelle. Entre l’empereur et ses sujets nous trouvons au contraire des rapports nouveaux ; le père ne surveille plus aussi jalousement ses enfans. Et c’est là