Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 11.djvu/268

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Maxime avait pris son parti de sa mise en quarantaine. La vie de famille, d’ailleurs, le « rasait » de plus en plus. Il envoya à sa sœur une carte de remerciement et loua une élégante garçonnière meublée, en rez-de-chaussée, rue Cardinet, près du parc Monceau, dans la maison même de Liane des Étangs, la danseuse excentrique qu’il avait aidé jadis à lancer, et qu’après son année d’exil, il avait retrouvée quasi célèbre et solidement entretenue… Maxime n’était point de ces « empaillés » qui se verraient déshonorés s’ils profitaient des bonnes grâces d’une jolie femme dont ils ne payent pas le loyer et le couturier. Mais s’il ne se croyait pas obligé de subvenir aux besoins de son amie, il lui fallait tout de même faire figure. Devant les difficultés imprévues des emprunts, il se mit à jouer avec frénésie, ce qui n’avança pas ses affaires. Tout à fait mis à sec un après-midi d’Auteuil, il alla voir un de ses amis, directeur commercial d’une maison d’automobiles qui l’embaucha sur l’heure, avec ce double rôle à remplir : parler et faire parler de la marque à tous propos, dans les salons, les journaux, les romans ; puis négocier des achats, dans le monde qu’il pouvait fréquenter, au théâtre et au pesage. Un grand journal d’informations photographiques s’étant fondé, il y entra comme reporter mondain et déploya tout de suite une rare adresse pour dénicher les potins sensationnels, recueillir et amplifier les opinions des gens notoires sur les événemens de la veille. Dans ces deux « métiers » bien modernes, il subit de cuisantes rebuffades qui assouplirent un peu son caractère. Et il passait l’éponge sur ses petites misères et sur les graves inconséquences de sa vie en se disant fièrement : « Je travaille ! »

Travailler, pour lui, c’était, avant tout, se remuer, passer d’un milieu dans un autre, parler, rire, s’élancer vers un but qui fuit sans cesse, et il n’y a qu’à Paris qu’on puisse trouver à travailler de la sorte !

Me Bourin, qui connaissait cette évolution, en eût peut-être bien auguré pour l’avenir, pour le lointain avenir, s’il n’avait senti en même temps tout ce que cette existence comportait de factice. Maxime avait cessé d’être un oisif parce qu’il lui fallait quelque argent, mais cet argent, il le gagnait sans ordre, par à-coups. Son labeur n’avait ni grandeur, ni noblesse. Même en « travaillant » il restait un irrégulier, un amateur.

Et de plus, il s’éreintait. Il n’était plus que l’ombre du beau