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projets particuliers. C’était, bien entendu, à l’insu des Affaires Étrangères, mais, bien entendu aussi avec la connivence ou l’approbation du ministre de la Marine qui signait les dépêches : la situation respective des deux départemens demeurait ainsi, après le Conseil de janvier, ce qu’elle était auparavant. Le ministère de la Marine n’acceptait pas sa défaite, bien que l’amiral Roussin y eût remplacé l’amiral Duperré. Le conflit persistait, et au point qu’il ne tarda pas à devenir public.

L’occupation déjà effectuée de Nossi-Bé et celle imminente de Mayotte entraînaient des dépenses non prévues au budget. Deux cent mille francs furent donc inscrits comme « subvention à divers établissemens coloniaux, » dans un projet de loi sur des crédits supplémentaires et extraordinaires déposé au commencement de janvier 1843. Quand cette subvention vint en discussion à la Chambre, le 30 mars, des explications furent demandées : l’amiral Roussin répondit et, invoquant avec beaucoup de force la nécessité de ne point renoncer à nos droits sur Madagascar, présenta presque l’occupation de Mayotte comme une étape sur la voie d’une conquête. L’émotion fut assez vive. La Commission de la Chambre délibéra et voulut entendre le ministre des Affaires étrangères : Guizot se rendit à son appel, très volontiers sans doute, et quand, le lendemain, l’un des membres de la Commission souleva à nouveau le débat, ce fut lui qui parut à la tribune. Il commença, comme de juste, par couvrir son collègue dont il interpréta les paroles, mais, cette politesse parlementaire rapidement expédiée, il le désavoua complètement. La France ne ferait rien à Madagascar, elle ne voulait rien y faire. Le ministre des Affaires étrangères ne s’en tint d’ailleurs pas là, et, ayant solennellement condamné la politique particulière de la Marine, il établit celle de la majorité du Cabinet. Après avoir affirmé que l’intérêt du pays n’était pas dans la possession de vastes territoires, il montra l’utilité qu’offrirait un réseau de points de relâche. L’idée avait été indiquée la veille par l’amiral Roussin : il s’y attacha, la précisa, et la développa. Quelques semaines plus tard, la discussion de crédits demandés pour les établissemens d’Océanie lui fournit l’occasion d’y revenir à nouveau et de paraphraser encore la résolution du Conseil de janvier. Or comme tous ces discours avaient été prononcés à l’occasion de demandes de crédits qui furent accordés par les Chambres ; comme, d’autre part,