Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 10.djvu/563

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
L’ABBÉ DE SAINT-PIERRE

M. Joseph Drouet a fait une étude très consciencieuse de toutes les œuvres de l’abbé de Saint-Pierre. De plus, il a trouvé, pour renouveler sa biographie, des documens d’une grande importance qui dormaient dans la Bibliothèque de Caen. Ce sont des manuscrits de l’abbé, ceux-là mêmes, sans aucun doute, que J.-J. Rousseau avait été chargé par le comte de Saint-Pierre de trier et d’extraire, et qui l’avaient rebuté si vite. — De plus, M. Joseph Drouet a dépouillé attentivement le manuscrit de la Bibliothèque de Rouen qui est une très copieuse biographie de l’abbé de Saint-Pierre écrite par lui-même. Nous avons donc dans le volume de M. Joseph Drouet un abbé de Saint-Pierre authentique et complet, et ce n’est pas une chose méprisable.

J’aurais bien quelques critiques à adresser à M. Joseph Drouet. Il ne parait pas surveiller toujours d’assez près ses assertions ou ses jugemens. Il écrit quelque part : « Il y a quelqu’un, disait Voltaire, qui a plus d’esprit que vous et moi, c’est Monsieur tout le monde. » M. Drouet aurait bien dû indiquer où Voltaire a dit cela. Quand on me cite le mot : « Il y a quelqu’un qui a plus d’esprit que Voltaire, c’est tout le monde, » j’ai l’habitude de répondre : « Je ne sais pas qui a dit cela ; mais, à coup sûr, ce n’est pas Voltaire. » En tout cas, c’est bien invraisemblable. (On attribue généralement le mot à Talleyrand.)

M. Drouhet écrit ailleurs : « Mme Dupin n’eut-elle pas la fâcheuse inspiration, après la mort de son vieil ami [l’abbé de Saint-Pierre], de remettre son fils entre les mains de l’auteur d’Emile ! Le résultat fut ce qu’il devait être. » Rousseau rendu responsable des désordres de M. de Chenonceaux, cela est