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REVUE DRAMATIQUE


COMEDIE-FRANCAISE. : Reprise de Le Roi s’amuse ; — Cher maître, comédie en trois actes de M. Fernand Vandérem.


Je pense que la Comédie-Française a repris Le Roi s’amuse pour en finir, une bonne fois, avec cette méchante pièce. Et alors je ne puis que l’approuver. Il y a une trentaine d’années, elle l’avait montée avec une interprétation qui était par elle-même un attrait : Mounet-Sully jouait le Roi, et Got Triboulet. C’était l’époque de cette brillante pléiade que nous aimons à citer, nous qui n’avons pas vu Rachel. Cela n’avait pas suffi à donner le change : la pièce, en dépit des acteurs, et Victor Hugo étant encore là, était lourdement tombée. Cette fois, on nous la donne sans artifice, sans effort ni curiosité de distribution, réduite à ses seuls mérites et ne brillant que de son seul éclat. L’effet était facile à prévoir, et il a été complet.

Ce n’est pas assez de dire, comme on l’a fait généralement, que de tous les drames de Victor Hugo celui-ci est le plus mauvais : c’en est aussi le plus pénible et le plus irritant. Je sais bien qu’il y a Angelo, Lucrèce Borgia, Marie Tudor et qu’ils ne valent pas cher ; du moins, ces naïfs mélodrames sont-ils en prose ; rien, pas même le style, ne les distingue de leurs congénères et on en est quitte pour les passer au répertoire de Ducange ou de Maquet. Dans Le Roi s’amuse, quelques beaux vers, — ils sont rares et on les compte, — viennent nous rappeler qu’un grand écrivain est ici le coupable. Et cette fois nous ne sommes ni en Italie, ni en Angleterre : nous sommes en France, nous sommes au Louvre. On a beaucoup loué les romantiques, et surtout ils se sont beaucoup vantés, d’avoir aimé la France, et de s’être faits, par piété filiale, ses historiens. Ce n’est vrai qu’en partie.