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de Couat et c’est la mienne ; soit au parti de la démocratie modérée et sage, au «centre gauche ; » et c’est l’opinion de M. Maurice Croiset. En tout cas, on ne peut guère, je crois, discuter là-dessus, il détestait la démagogie.

Eh bien Euripide aussi ! Euripide n’a jamais laissé passer une occasion de mépriser la foule ignorante et ses capriceset ses aveuglemens et de maudire ceux qui la conduisent et qui l’exploitent, les orateurs populaires et les industriels de la politique.

Quoi donc ?

Eh bien ! la vérité, c’est justement qu’Euripide et Aristophane au fond sont parfaitement d’accord, mais sont en divergence extraordinaire sur tous les moyens de réaliser et de mener à bien leurs idées communes.

Aristophane et Euripide voudraient une cité honnête, sage, pacifique, libérale, d’une énergique et virile moralité. Seulement, Aristophane voit cette cité dans le passé et Euripide l’espère de lavenir. Aristophane veut donc conserver tout le passé et Euripide, sans paraître avoir dans le progrès une confiance naïve, cependant n’aime pas le passé et croit que c’est sous d’autres formes que celles du passé que moralité, honnêteté, sagesse et justice peuvent se réaliser relativement.

Et ainsi tous deux sont réformistes, mais l’un est réformiste en arrière et l’autre est réformiste en avant ; et l’un dit : « regardez devant vous et créez un grand avenir » et l’autre dit : « regardez le glorieux passé et recréez-le. »

Ils sont bien d’accord sur l’objet ; mais ils le placent l’un ici et l’autre là ; de sorte qu’ils sont bien d’accord ; mais qu’ils se tournent le dos. Cela arrive.

Guidés par cette idée générale, laquelle n’est vraie, comme toutes les idées générales, que d’une vérité relative, mais enfin qui n’est pas fausse, suivons Aristophane dans sa guerre contre Euripide.

Il y a dans Aristophane, contre Euripide, des épigrammes qui sont des critiques littéraires, des épigrammes qui sont des critiques morales, et des épigrammes qui sont des critiques religieuses.

Au point de vue littéraire, Aristophane reproche surtout à Euripide d’avoir rabaissé, dégradé la tragédie. Eschyle était emphatique ; mais Euripide est trivial et prétentieux.