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est revenu sur cette figure qu’évidemment il caresse et qu’il aime à peindre avec complaisance.

Sur les femmes, on ne saura jamais quelles ont été les vraies opinions d’Euripide. Il les a criblées de toutes les épigrammes qu’on peut justement ou injustement leur adresser. Littéralement, il les a déchirées, comme, selon la légende, il fut déchiré (matériellement) plus tard par elles.

Et, d’autre part, les plus pures, les plus ravissantes, les plus sacrées, les plus divines figures de femmes furent tracées par lui et sont restées la grâce et le charme délicieux de son théâtre.

Qui faut-il croire ? Et qui débrouillera ? M. Masqueray, — surtout, il en conviendra, pour nous donner une excellente leçon sur la condition des femmes au ve siècle avant Jésus-Christ, — suppose que quand Euripide se fait le peintre amoureux et res- pectueux des Iphigénie et des Admète, Euripide songe aux femmes d’autrefois, aux femmes des temps homériques et que, quand il se montre « mysogyne, » il pense aux femmes de son temps, qui (du reste par la faute des hommes) avaient tous les défauts du monde. Il est possible. J’aurais tendance à croire que, tout simplement, Euripide adorait les femmes et qu’il en a dit beaucoup de mal et beaucoup de bien comme tous ceux qui les adorent. Songez à Dumas fils qui ne se plaindra pas du rapprochement et qui du reste ne laisse pas de mériter qu’on le fasse. Dumas fils est le satirique ami du sexe féminin que l’on sait bien et il est le peintre de Denise, de Madame Aubray et de quelques autres. Songez encore à Molière et à La Bruyère. On me dira que Boileau a dit du mal des femmes et est très peu soupçonné de les avoir aimées. Mais Boileau ne fait que copier Juvénal, et sa sortie contre les femmes n’est guère qu’un exercice de rhétorique supérieure. Enfin on ne saura jamais pourquoi Euripide a dit tant de mal, et montré tant de bien des femmes.

Ce qu’il y a de certain, c’est qu’il leur a rendu le service de tracer quelques portraits féminins qui sont les plus beaux de l’antiquité tout entière, et cet autre service d’avoir inspiré Racine. Les femmes ne peuvent plus, légitimement, le mettre en charpie.

Ce qui est plus intéressant encore, si c’est possible, que les idées elles-mêmes d’Euripide, c’est l’influence de ses idées sur la manière dont il a conçu et conduit ses ouvrages. Euripide