Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 3.djvu/884

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en train d’amener en plusieurs pays la création d’établissemens plus ou moins analogues. En Amérique, nous voyons des milliardaires, soucieux du bien public et s’inspirant de notre exemple pour faire mieux que nous, créer des centres d’études magnifiquement dotés en vue de la recherche libre. La Prusse se préoccupe d’en faire autant. On peut donc dire qu’une même idée se manifeste aujourd’hui partout. Or cette idée est française d’origine, et c’est en France qu’elle a reçu la première consécration de l’expérience. Nous nous devons à nous-mêmes de lui donner aujourd’hui le développement qui nous permettra de rivaliser avec ces créations étrangères.

Évidemment, ce n’est pas l’État français, avec ses charges toujours croissantes, qui pourra mettre le Collège de France à même de soutenir cette rivalité. Nous avons quelque honte aujourd’hui à ouvrir aux visiteurs du dehors les portes d’un établissement si glorieux et à leur en laisser voir la misère : ses laboratoires étroits, insuffisans de toute façon, — on en pourrait citer qui sont de simples réduits ; — ses salles de cours incommodes, mal aérées, et en si petit nombre que des auditoires divers doivent s’y succéder parfois presque sans intervalle ; avec cela, une médiocrité de ressources qui rend impossibles les améliorations les plus nécessaires. Que le ministère de l’Instruction publique soit tenu moralement de remédier à cet état de choses dès qu’il en aura les moyens, cela est incontestable. Mais ce qu’il pourra faire, quelle que soit sa bonne volonté, ne sera certainement qu’une bien petite partie de ce qui doit être fait. Un grand établissement scientifique a besoin aujourd’hui d’être riche. Ce n’est pas sur l’État que le Collège de France peut compter pour le devenir jamais.

Lorsqu’il aura reçu l’autonomie financière, qu’on lui promet à bref délai, son avenir dépendra des libéralités dont il pourra être l’objet. Les donations en faveur de la science ne sont pas chose rare dans notre pays. Quelques-unes de nos Universités en ont déjà reçu d’importantes. D’autres sont faites annuellement aux diverses Académies. Le Collège de France lui-même n’a pas été oublié : il conserve avec reconnaissance les noms des bienfaiteurs qui ont déjà subventionné des cours anciens ou créé des cours nouveaux. Mais il ne pourra exercer son rôle dans toute son ampleur que le jour où il disposera d’un capital important qu’il sera libre d’affecter à des entreprises scientifiques