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de devenir une sorte de corporation fermée. Plus les Universités se développeront, plus son rôle, à cet égard, apparaîtra comme indispensable.

Ajoutons enfin qu’il est ouvert à toutes les sciences indistinctement, — docet omnia, — et qu’il ne peut subsister qu’à la condition de les faire vivre ensemble, non seulement en équilibre, mais dans une communion intime.

Le rapprochement qui se produit ainsi entre elles est tout autre chose que le groupement, plus administratif qu’intellectuel, qui constitue les Universités. Le Collège a été plusieurs fois sollicité de se diviser en sections. Après discussion, il s’y est toujours refusé. Il a sagement fait. Le contact réciproque des sciences diverses est déjà un des élémens les plus importans de sa vie et le deviendra plus encore sous le régime franchement libéral qui sera le sien désormais. L’assemblée des professeurs est appelée en effet à délibérer, non pas seulement sur des intérêts matériels, mais sur des intérêts proprement scientifiques, tels que les transformations de chaires et les candidatures qu’elles font surgir. Dans la discussion qui s’ouvre alors, on entend les représentans les plus autorisés des diverses sciences en concurrence exposer l’état de chacune d’elles, ses progrès récens et ses besoins actuels ; on les entend définir et caractériser la nature d’esprit des candidats, apprécier l’intérêt et l’originalité de leurs travaux, indiquer sommairement ce qu’on est en droit d’attendre d’eux. L’échange d’idées et d’informations qui se produit ainsi est de nature singulièrement féconde. Il en résulte que tous les professeurs du Collège sont amenés périodiquement à regarder au-delà de leurs spécialités personnelles, à considérer la science contemporaine dans son ensemble, à en suivre pour ainsi dire le mouvement, à voir naître les études nouvelles et à en apprécier l’importance, à se rendre compte enfin de la valeur relative et changeante des diverses parties du savoir. Il est impossible que des hommes habitués à réfléchir n’acquièrent pas par là une habitude commune de regarder toujours en avant. Cette habitude, ainsi entretenue, constitue l’esprit de la maison. On comprendrait mal, si on le méconnaissait, le rôle du Collège de France.