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notre pays. Là, le rapprochement d’hommes éminens, le contact des sciences diverses, l’habitude de délibérer en commun, l’attachement à une même tradition, l’usage des mêmes libertés, le dévouement à un même idéal créaient un mouvement d’esprit qui n’existait au même degré nulle part ailleurs. On y pensait avec plus de force, plus de hardiesse et plus de confiance en la vérité.

Voilà ce qu’il est indispensable de se rappeler pour comprendre le Collège de France. Il faut se représenter tout son passé, avec la réserve de force qui s’y est accumulée peu à peu, pour se faire une idée juste de ce qu’il peut et doit être dans l’avenir. Seulement, il n’est pas moins nécessaire de voir maintenant en quoi la renaissance des Universités françaises et le rapide développement de notre enseignement supérieur ont pu modifier ses conditions d’existence.


II

Il est bien curieux de relire aujourd’hui la définition qu’Ernest Renan donnait, il y a une cinquantaine d’années, du rôle des diverses Facultés en l’opposant à celui qu’il attribuait au Collège de France. Bien que ses jugemens et ses vues fussent loin, même en ce temps, d’être entièrement justes, rien ne fait mieux mesurer l’importance des changemens qui se sont produits depuis lors dans notre enseignement supérieur.

En 1802, il écrivait ceci : « Transmettre le dépôt des connaissances acquises, charmer et instruire les gens du monde, voilà le but des Facultés ; former des savans, voilà le but du Collège de France. » Et deux ans plus tard, en 1864, revenant sur les mêmes idées, il les développait en ces termes : « Une distinction s’établira de plus en plus. Que les chaires de Facultés continuent à avoir pour but principal de répandre les vérités acquises, la science déjà faite, nous n’y voyons pas d’inconvénient ; mais qu’on ne sacrifie pas à ce besoin légitime d’une exposition élégante et claire la science en voie de se faire, l’enseignement dont le but principal est de découvrir des résultats nouveaux. Que le Collège de France redevienne ce qu’il fut au XVIe siècle, ce qu’il a été depuis à plusieurs reprises, le grand chapitre scientifique, le laboratoire toujours ouvert où se