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Pallavicini, le comte Tornielli, le prince de Bülow, M. de Kiderlen-Wæchter, ont occupé le poste de ministre à Bucarest et s’y sont fait remarquer. Au contraire, dans la hiérarchie surannée de la « carrière » française, le poste de Bucarest est classé après certains autres qui, au point de vue des intérêts politiques, sont loin d’avoir la même valeur, et si, un jour, au quai d’Orsay, on eut la main heureuse en envoyant à Bucarest un préfet qui se trouva être un très fin diplomate, trop souvent le poste est resté confié à des hommes de second plan. Nous apportons dans nos relations avec ce pays latin cette nuance de sentimentalisme dont tant de désillusions ne nous ont pas encore guéris ; au milieu de l’âpre mêlée des intérêts, nous prétendons être ajmés pour nous-mêmes et, à ceux que nous croyons nos amis, nous pardonnons difficilement de faire passer leurs intérêts avant nos préférences.

Certes, nos relations avec la Roumanie sont bonnes ; mais elles pourraient être meilleures si nous n’avions quelquefois négligé de les développer, de les cultiver.

Les journaux et l’opinion en France font grief aux Roumains de chercher un appui dans la Triple-Alliance, de favoriser les intérêts économiques allemands, d’acheter des canons chez Krupp et de dresser leur armée à la prussienne ; peu s’en faut que nous ne les regardions comme des renégats de ce que nous appelons, d’un grand mot assez pauvre de sens, « la solidarité latine. » Persuadons-nous que, dans la situation actuelle de l’Europe, même si la Roumanie n’avait pas pour roi un Hohenzollern, ses intérêts, le souci munie de sa sécurité inclineraient sa politique du côté où nous la voyons pencher aujourd’hui. La Roumanie a besoin de vivre, de se développer ; enchâssée entre des peuples slaves, il lui faut faire front de tous côtés et chercher des soutiens parmi les nations qui ont des intérêts conformes aux siens.

Les Allemands, depuis quelques années, ont habilement profité des liens dynastiques et politiques qui unissent leur pays à la Roumanie, pour y développer le commerce allemand et la « culture allemande. » L’appui de la cour n’a pas manqué à ces efforts pour germaniser les habitudes sociales, les lettres, la pensée. La langue allemande a fait quelques progrès dans le monde des affaires ; les jeunes Roumains vont en plus grand nombre étudier dans les universités germaniques.