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faire supporter, et plus l’édifice s’élève, plus le déséquilibre s’accentue[1]. »

L’existence d’une classe de paysans propriétaires et aisés est nécessaire au recrutement d’une bonne armée. Celle de la Roumanie est bien outillée et bien exercée. Dès 1874, dans un rapport présenté au prince Carol, l’état-major allemand lui disait : « En Roumanie, où l’on doit envisager tant d’éventualités différentes, le soin et l’instruction de l’armée doivent être la préoccupation dominante. » L’armée roumaine a fait ses preuves à Plevna et, depuis, elle a sérieusement travaillé. Elle est forte de 140 000 hommes sur le pied de paix et de plus de 400 000 sur le pied de guerre. Beaucoup d’officiers vont achever leur instruction technique dans les écoles supérieures allemandes. Le roi s’occupe tout particulièrement des choses militaires ; il a mis son honneur de Hohenzollern dans l’organisation d’une armée solide et bien entraînée. Il n’a jamais cessé de regarder son rôle de commandant supérieur des troupes comme la prérogative essentielle et le devoir le plus important de sa charge souveraine. L’armée roumaine, grâce à la vigilance du roi et au patriotisme de la nation, est prête à faire bonne figure contre tout venant.


V

Nous n’avons pas voulu faire ici une étude, même sommaire, de la Roumanie contemporaine et de son développement, mais seulement prouver que l’Etat roumain constitue, aujourd’hui, une force dont il faut tenir grand compte si l’on veut comprendre le jeu de la politique danubienne et balkanique. L’avenir de la Turquie dépend en grande partie de l’attitude du gouvernement de Bucarest. Aucune transformation importante ne se fera dans l’Europe orientale sans que la Roumanie ait son mot à dire ou sa part à prendre. Les puissances de l’Europe centrale ne l’ignorent pas ; leur diplomatie est très préoccupée de faire naître et de développer de bonnes relations avec la Roumanie ; elles accréditent auprès du roi Carol leurs diplomates le plus en vue. Il est significatif de constater que le comte Goluchovvski, le comte d’Æhrenthal, le marquis

  1. Ouv. cité, p. 128.