Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 3.djvu/718

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

protestation a trouvé tant d’écho qu’il a bien fallu en tenir compte. Le conseil des ministres, réuni autour du lit de M. Monis, a décidé que l’ordre du jour de la Chambre ne serait pas modifié : on peut enfin espérer qu’un grand débat va s’ouvrir sur le scrutin de liste et la représentation proportionnelle.

La réforme est mûre, elle ne le sera jamais davantage, l’heure a sonné pour tous de s’en expliquer avec franchise, et le mouvement d’opinion qui s’est manifesté aux élections dernières donne à croire que le pays ne tolérerait pas un avortement. La Chambre ne saurait se dissimuler qu’elle est peu populaire ; elle a mal débuté ; la longueur inusitée de la discussion du budget a donné une impression d’impuissance d’où résulte un commencement de discrédit, et ce discrédit serait complet si, après le budget, la Chambre se montrait incapable de mener à terme une réforme en faveur de laquelle se sont prononcés des millions d’électeurs. Elle s’en rend compte. Dans le parti radical, qui reste au fond attaché au scrutin de liste et qui usera pour le maintenir de toutes les ressources de la tactique parlementaire, des demi-conversions, au moins apparentes, se sont produites. Le temps n’est pas encore loin où M. Combes, cédant une fois de plus à sa manie d’excommunier tous ceux qui ne sont pas de son avis, mettait hors de la République les partisans du scrutin de liste et de la représentation proportionnelle ; il dénonçait les intrigues et les coalitions inavouables perfidement ourdies par eux ; et, de son côté. M. Pelletan déployait toute sa verve pour défendre le scrutin d’arrondissement si injustement, si méchamment attaqué. Ce scrutin était l’arche sainte de la République. Les temps sont changés, puisque M. Combes et M. Pelletan se résignent aujourd’hui au scrutin de liste. Il faut s’attendre à ce qu’ils l’entourent de conditions inadmissibles ; M. Pelletan, par exemple, refuse d’y adjoindre la représentation proportionnelle sans laquelle il aggraverait la situation au lieu de l’améliorer, en donnant aux majorités une force plus écrasante encore que celle d’aujourd’hui. Il y a, en tout cela, des malentendus volontaires, des équivoques calculées, que la discussion dissipera. Mais comment pourrait-elle se poursuivre à fond si M. le président du Conseil n’est pas au banc des ministres ? Qui pourrait parler en son nom ? Qui pourrait le remplacer ? On dit quelquefois que la question n’intéresse que la Chambre et qu’il lui appartient de la trancher souverainement. Puisqu’il s’agit de son mode de recrutement, à quoi bon une autre opinion que la sienne ? Ceux qui tiennent ce langage le font-ils