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s’imposait avec évidence, et nous sommes heureux qu’on l’ait reconnue. Pour le reste, nous ferons comme tout le monde ; nous laisserons à l’expérience le soin de montrer si le gouvernement peut se passer d’une tête non seulement agissante, mais présente. Le jour de la rentrée de la Chambre, les reporters ont interrogé les députés présens pour connaître, à ce sujet, leur opinion. L’un d’eux, — nous nous excusons d’avoir oublié son nom, — a répondu qu’il était bien regrettable que l’accident du 21 mai ne fût pas arrivé pendant les vacances, parce qu’alors il n’aurait eu aucun inconvénient. Ce député est un sage ; son observation est pleine de sagacité. Si le Parlement était en vacances, il est clair que M. le président du Conseil n’aurait pas à figurer sur le banc des ministres et à monter à la tribune ; il ‘pourrait gouverner de sa chambre à coucher. Par malheur, l’accident est arrivé au moment même où le Parlement allait se réunir, et c’est ce qui rend la situation si embarrassante. Nous ne nous chargeons pas de dire comment on en sortira.

Il avait été convenu, lorsque la Chambre s’est séparée avant Pâques, que, dès son retour, elle s’attaquerait enfin au grand problème de la réforme électorale. Beaucoup de mauvaises volontés avaient agi discrètement, sournoisement, pour éloigner ce calice des lèvres de la Chambre, car c’est un calice, et il est amer : néanmoins, le moment est venu où toutes les échappatoires se sont trouvées fermées et où il a fallu prendre la coupe en main pour la vider d’une manière ou d’une autre. On l’a senti ; le rendez-vous a été donné par les uns et accepté par les autres, il n’y avait plus à reculer. Les choses en étaient là lorsque est arrivé le sinistre événement du 21 mai. Alors la proposition a surgi de mettre en tête de l’ordre du jour la discussion du programme naval. Nous sommes les premiers à reconnaître l’intérêt vif et urgent qui s’attache à cette discussion, et peut-être la présence de M. le président du Conseil n’y est-elle pas indispensable ; celle de M. le ministre de la Marine peut à la rigueur y suffire. Cependant, et M. Delcassé doit s’en souvenir mieux que personne, les présidens du Conseil d’autrefois ont tenu à dire leur mot dans les débats de ce genre, puisque c’est au cours de l’un d’eux qu’il a eu l’occasion de renverser M. Clemenceau : et M. Monis, alors qu’il était sénateur, ne s’est nullement désintéressé des questions maritimes, il s’en était même fait une sorte de spécialité. La proposition de mettre le programme naval en tête de l’ordre du jour est donc apparue comme une nouvelle tentative d’ajourner la réforme électorale. Ses partisans ont énergique mont protesté, et leur