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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




On ne peut que s’incliner devant un cercueil prématurément ouvert et devant le lit d’un blessé. L’effroyable catastrophe qui, le 21 mai dernier, a coûté la vie à M. Berteaux et qui, pour plusieurs semaines, a réduit M. Monis à l’immobilité est un de ces coups du sort qui, par une tragique leçon de choses, nous rappellent ce qu’il y a d’instable et de fatal dans la condition humaine, et on serait tenté de dire, avec le plus grand des orateurs chrétiens : Et nunc erudimini… Ce n’est pas le moment de juger l’œuvre politique de M. Berteaux : nous l’avons fait assez souvent et assez librement pendant sa vie pour avoir le droit de nous en taire le lendemain de sa mort. Et au surplus, ce moment reviendra-t-il jamais ? M. Berteaux était un de ces hommes qui tiennent une large place de leur vivant, mais que la tombe prend tout entiers. Sa disparition peut cependant avoir quelque influence sur la classification des partis à la Chambre. Il avait de l’activité, de l’entregent, du liant, des moyens d’action qui tenaient à son caractère et à sa fortune, et le groupe radical socialiste lui devait en partie son apparente solidité. Le ministère également. Sa mort peut amener en tout cela des modifications prochaines. Il s’en est fallu de peu que le même accident fit deux victimes. Heureusement M. Monis, dont l’état avait inspiré d’abord des inquiétudes, a été bientôt hors de danger : hors de danger disons-nous, mais non pas, politiquement, hors de cause. La question s’est posée tout de suite de savoir si, cloué sur son lit, il pourrait remplir sa tâche de président du Conseil : elle n’est pas encore résolue.

Nous n’avons, pour notre compte, aucune répugnance à voir M. Monis conserver la présidence, pourvu qu’il puisse l’exercer. Si un nouveau ministère devait indiquer une nouvelle orientation de notre politique, il vaudrait la peine de le former ; mais dans l’état