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du Pilier, de la « Pilarica. » Du haut de la chaire, le prêtre, chargeant et rechargeant les armes, soutient, excite les assiégés. Les morts et les mourans jonchent le pavé. L’autel même porte un cadavre. Prise deux fois par les assaillans, l’église deux fois leur est reprise. Avec les siens, Juan y a pénétré, cherchant, appelant Soledad, l’ennemie adorée. Il la retrouve à temps pour l’arracher des bras du prêtre, enragé d’amour jusqu’au milieu du carnage. Mais voici le dernier assaut. Les deux amans, frappés ensemble, expirent enlacés et debout. L’église est en flammes. Au fond, un Christ énorme se détache et tombe de la croix. Alors les vainqueurs, à sa place, imaginent de crucifier son indigne ministre et le rideau tombe sur la vision, d’ailleurs assez grandiose, de cette mort expiatoire.

Trop tard, et la fâcheuse impression du personnage nous reste. Était-il nécessaire ? Si M. Laparra tenait à cette figure sacerdotale, mieux valait, pour la rendre intéressante (et encore ! ) nous montrer un prêtre farouche, une espèce d’ascète terrible, maudissant, haïssant la chair et l’amour, mais d’une haine en quelque sorte impersonnelle et désintéressée. Ce n’est pas tout : avec ou sans vicaire, un tel mélodrame, en sa seconde partie du moins, est contraire, hostile à la musique, au point d’y être funeste et mortel. La musique n’a pas et ne pouvait pas avoir ici de rôle ou de place. Que la musique de symphonie prenne pour sujet la guerre, — ou l’orage, — fort bien. De ce dernier choix surtout nous avons d’illustres exemples, qui le justifient. Mais la musique de théâtre ne saurait concourir et lutter avec la représentation matérielle, sensible aux yeux et surtout aux oreilles, d’une bataille, sous peine d’être réduite à néant par les conditions mêmes et les élémens de cette représentation. Le principal est le bruit, et contre le bruit jamais n’a prévalu ni ne prévaudra le son.

Cela s’est vérifié d’un bout à l’autre de ce malencontreux second acte. Dans ce conflit brutal avec le tumulte, le fracas nécessaire d’une mise en scène admirable d’ailleurs de vérité et de vie, toute musique devait succomber et en effet a péri. On se souvenait, écoutant ce vacarme, de la vieille chanson enfantine :


J’aime le son du clairon,
Du tambour et de la trompette,
Et mon ivresse est complète
Quand j’entends résonner le canon.
Quand j’entends, boum-boum !
Quand j’entends, boum-boum !
Quand j’entends résonner le canon.