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Le doux visiteur clandestin
Tout à coup ose des audaces ;

Et notre cœur, dans ses filets
Trop prisonnier pour se défendre,
Et notre cœur, dans ses filets
Laisse faire autant qu’il lui plaît
L’amour impitoyable et tendre !…

Comme l’enfant tenant les fils
D’un vague pantin qui voltige,
Comme l’enfant tenant les fils
Il sait, de ses doigts puérils,
Mener nos cœurs pris de vertige…

Hélas ! l’amour est un tyran,
Il les fait valser à sa guise ;
Hélas ! l’amour est un tyran,
Et tous les pauvres cœurs qu’il prend
Il les unit, — puis les divise ; —

Et sans doute est-ce un jeu divin :
Semer l’espoir, semer la joie…
Et sans doute est-ce un jeu divin
Que de faucher ces bonheurs vains
Comme une herbe que le vent ploie !…

— Amour, pourquoi tant de tourmens,
Tant de désirs et tant d’angoisses ?
Amour, pourquoi tant de tourmens
À ces cœurs pris naïvement
Dans la main fine qui les froisse ?

Pourquoi donc, après s’être aimé
D’un amour fait de mille trames,
Pourquoi donc, après s’être aimé,
Voir l’indifférence germer
Soudain, d’une nuance d’âmes ?…