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Ce goût du XVIIIe siècle se retrouve jusque chez plusieurs de nos jeunes statuaires. Il y a, notamment, avenue des Champs-Elysées, un charmant groupe de marbre, Bacchante et Panthère, de M. Camus, qui rappelle, par son tour léger et son faire habile, les hôtes de marbre des parcs royaux, du temps des meilleurs maîtres. Et un plâtre de M. Paul Sylvestre, intitulé Ebats, serait digne, aussi, d’habiter un jardin à la française, parmi les quinconces rigoureusement taillés, entre deux miroirs d’eau, tandis que le projet de fontaine, de M. Max Blondat, exposé, en plâtre, sous ce titre La Chanson de l’Eau, ornerait délicieusement une grotte proche de ce parterre rêvé. Et l’on pourrait y recueillir, en quelque pavillon, ou Folie, les groupes de terre cuite de M. Puech et de M. Verlet, la Terre, sans trop d’anachronisme et sans qu’on se crût hors du XVIIIe siècle. Notre sculpture est, d’ailleurs, en plein progrès. Bien que, cette année, la plupart de nos artistes jeunes, M. Landowsky, M. Segoffin, M. Sicard, M. Hippolyte Lefebvre, n’aient exposé que des bustes, leurs œuvres récentes assurent à l’école de sculpture française une vraie supériorité sur toutes les autres. Et l’un d’eux, M. Bouchard, a exposé une œuvre capitale.

Il semble que les imaginations de nos artistes, comme celle de la foule, aient été vivement frappées, ces derniers temps, par les drames de la conquête de l’Air. Au Salon de l’avenue d’Antin, une grande statue, par M. Lagare, sous ce titre Fatalité, aux héros de l’aviation, nous montré la chute d’un Icare, aux ailes brisées, tombant tout de son long, perpendiculaire au sol. Et, aux Champs-Elysées, M. Roger-Bloche expose, sous le titre Monument aux aviateurs, un homme gisant parmi les débris d’un aéroplane dont une aile encore dressée, l’autre pendante, figurent assez bien l’oiseau tombé à terre, démonté. Mais le plus saisissant de ces témoignages est assurément celui de M. Bouchard.

C’est le monument funéraire aux aéronautes militaires, victimes de la catastrophe du République, taillé dans le granit de Bretagne et destiné à être placé en pleins champs, là où la catastrophe s’est produite. Les deux Salons ne contiennent rien d’aussi saisissant. Sur un plan incliné, les quatre soldats morts pour avoir voulu promener bien haut dans les airs les couleurs de leur pays, ressaisis par la terre, sont étendus côte à côte et se tiennent par la main. Sur eux, des linceuls, jetés comme des