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A partir de ce moment, Zoroastre entendit journellement la voix d’Ormuz. Elle lui parlait la nuit et le jour comme une voix intérieure ou par des images ardentes qui étaient comme les pensées vivantes de son Dieu. Ormuz lui enseigna la création du monde et sa propre origine, c’est-à-dire la manifestation du verbe vivant dans l’univers[1], les hiérarchies ou forces cosmiques, la lutte nécessaire contre Ahrimane, déchet de l’œuvre créatrice, esprit du mal et de la destruction, les moyens de le combattre par la prière et le culte du feu. Il lui enseigna le combat contre les démons par la pensée vigilante et contre les Impurs (les Touraniens) par les armes consacrées. Il lui apprit l’amour de l’homme pour la terre et l’amour de la terre pour l’homme qui sait la cultiver, la part qu’elle prend à la splendeur des moissons et sa joie d’être labourée, et ses forces secrètes qui émanent en bénédictions sur la famille du laboureur. Tout le Zend-Avesta n’est qu’une longue conversation entre Ormuz et Zoroastre. « Quelle est la chose la plus agréable à cette terre ? Ahoura-Mazda répondit : — C’est lorsqu’un homme pur marche sur elle. — Qu’y a-t-il en second lieu de plus agréable à cette terre ? — C’est lorsqu’un homme pur construit une demeure pourvue de feu, pourvue de bétail, où il y a une femme, des enfans et de beaux troupeaux. Car il y a en cette maison abondance de droiture[2]. » Et Zoroastre, par la voix d’Ormuz, entendit la réponse que la terre fait à l’homme qui la respecte et la cultive. Elle dit : « Homme, » je te soutiendrai toujours et je viendrai à toi. » Et la terre vient à lui avec sa bonne odeur et sa bonne fumée, et la pointe du blé vert qui pousse et la moisson resplendissante. Tout au contraire du pessimisme bouddhiste et de la doctrine de la non-résistance, il y a dans le Zend-Avesta (écho des révélations intimes de Zoroastre) un optimisme sain et une combativité énergique. Ormuz

  1. « Dans la religion de Zoroastre, dit Silvestre de Sacy, il est évident qu’à l’exception du temps tout a été créé ; le créateur c’est le temps, car le temps n’a point de bornes ; il n’a ni hauteur, ni racine ; il a toujours été et il sera toujours. Malgré ces excellentes prérogatives que possédait le temps, il n’y avait personne qui lui donnât le nom de créateur. Pourquoi cela ? Parce qu’il n’avait rien créé. Ensuite il créa le feu et l’eau et quand il les eut mis en contact, Ormuz reçut l’existence. Alors le temps fut et créateur et seigneur, à cause de la création qu’il avait exercée. »
  2. Troisième Fargard du Vendidad-Sadé (1-17).