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bras. Va-t-il imiter votre mouvement ? Pas toujours, il s’en faut. Il le fera s’il est bien disposé, s’il a envie de quitter la personne qui le tient et si votre figure lui agrée davantage. Dans le cas contraire, il se retournera bien vite, comme le petit Astyanax, et il vous tendra, non pas les bras, mais le dos. Quelquefois enfin il vous regardera d’un air surpris, hésitant, on serait tenté de dire interrogatif, sans pleurer ni sourire. Je ne dirai pas qu’il fait sur vous toutes sortes de réflexions et d’hypothèses : car les états d’incertitude et d’immobilité ne sont pas toujours, — même chez l’adulte, — le résultat de ce que les psychologues contemporains appellent une inhibition par conflit de représentations : ils sont souvent dus à l’absence momentanée de toute représentation qui « dise quelque chose : » l’imagination ne voit rien qui l’appelle ni rien qui la repousse, elle est dans une attente neutre et indécise qui persiste assez longtemps si le sujet manque de vie et qui devient anxieuse s’il a une réserve d’activité souffrant de ne pas s’employer.

Ici, l’observateur américain Baldwin, qui veut retrouver la suggestion partout et qui, pour y réussir, la simplifie, nous dit : « Mais précisément ! il n’agit pas parce qu’aucune suggestion ne s’est produite. » (Alors que nous disons, nous : Il y a eu une suggestion, mais le sujet ne l’a pas acceptée.) Pour être plus sûr d’avoir raison, M. Baldwin multiplie le nombre et la variété des suggestions. L’enfant prend une certaine habitude qu’on lui impose par voie organique ou mécanique ; c’est une suggestion. S’il se laisse guider par un souvenir, c’est une suggestion. S’il fait le contraire de ce qu’on lui commande, — cas très fréquent. — c’est une suggestion de contradiction !

Tout ceci revient à dire : pour agir en un sens quelconque, il faut un appétit, un désir et surtout une image enveloppant la représentation des mouvemens qui doivent ramener la sensation désirée ; mais en supposant même que l’enfant imite toujours quelqu’un et fasse toujours quelque chose qui lui ait été suggéré, il faut bien observer qu’il est fort loin d’imiter indifféremment tout le monde et de faire indistinctement tout ce qui lui est suggéré par qui que ce soit. Sa spontanéité se manifeste en effet de très bonne heure par la résistance, et j’ai toujours remarqué sur mes enfans et petits-enfans qu’ils savaient dire non avant de savoir dire oui et qu’une fois qu’ils avaient compris, — vers dix-huit mois environ, — le sens du mot et du signe de