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pacifiques qui sans cesse obsédaient l’âme de Guillaume et que Bismarck à son tour, à des heures trop brèves, trop capricieuses et trop rares, ne se défendait pas de caresser lui-même.


VI

L’Allemagne était lasse du Culturkampf : en Bade, le ministère Jolly était renvoyé par le grand-duc ; en Hesse, la consigne était d’appliquer le plus doucement possible les lois contre l’Église. L’archevêque Melchers, du fond de son exil, s’intéressait au futur renouvellement du Reichstag : l’Allemagne y proclamerait-elle sa lassitude ? Il écrivait à l’évêque Martin, le 30 juin 1876 : « Si les prochaines élections répondent aux désirs du gouvernement, il n’y a pas de changement à attendre dans le Culturkampf. Si les résultats sont tels que le parti du gouvernement ne garde pas une prépondérance solide, alors on peut s’attendre à ce que le gouvernement fasse tout pour rallier le Centre. »

En janvier 1877, le peuple allemand vota. Les protestans orthodoxes eurent à se féliciter d’un renouveau du parti conservateur : de 21, le chiffre de ses membres remontait à 40. A la joie des catholiques, le Centre, qui, dans le précédent Reichstag, disposait de 91 voix, gagnait deux sièges encore.

Les nationaux-libéraux en perdaient 25 ; ils descendaient de 152 à 127. Une pareille disgrâce frappait les progressistes : ils étaient sortis 49, ils rentraient 35 ; on les sentait désunis, sans boussole. L’ascension lente, mais régulière des socialistes continuai ! : de 9, ils devenaient 12, et dans l’ensemble de l’Empire avaient obtenu 493 441 voix, — 141 770 de plus qu’en 1874. On se consolait, dans les cercles officiels, en constatant que leur parti n’était pas encore assez nombreux pour avoir le droit de déposer des motions ; mais les observateurs qui voyaient clair sentaient que la consolation n’était qu’éphémère. Ce progrès du socialisme apparaissait aux conservateurs et à l’Empereur comme la justification de leurs alarmes : gare à l’Etat, pensaient-ils, si la religion achevait de décliner !

Les conservateurs et le Centre, qui, par des voies différentes, voulaient la paix religieuse, montaient à la façon d’un flux ; les nationaux-libéraux, amoindris, commençaient de refluer. On put croire un instant qu’entre le Centre et les conservateurs allaient