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uns aux autres, soit de l’ensemble des caractères aux ressources du milieu. Or, si on ébranle trop vite le type ainsi bâti, on y fait pénétrer des influences qui n’y apportent que des bénéfices trompeurs : c’est surtout du trouble et du désordre qu’on y introduit, et on précipite ainsi la décadence. C’est de quoi nous pourrions nous souvenir dans l’éducation de nos propres enfans !

Le petit nègre, me disent des Pères de la Congrégation du Saint-Esprit, traverse, au moment de la puberté, une crise très troublante. La fille, à laquelle les traditions ont réservé un rôle absolument passif, se laisse tomber dans un abaissement dont elle n’essaie guère de se relever. Pour elle, il n’est pas question de développement moral ou intellectuel. « La crise des passions la laisse noyée dans les sens et dans la vie matérielle. même chrétienne, elle garde son indolence et sa morne résignation ; aussi revient-elle ou plutôt retombe-t-elle assez lourdement aux coutumes et aux superstitions ancestrales. Là est le grand obstacle à la complète régénération de la race noire. »

Sur les enfans du sexe masculin, l’hérédité pèse moins. J’appelle toutefois l’attention sur le témoignage du missionnaire. On pourrait croire qu’à ses yeux, du moment où l’enfant a été baptisé, a appris tant bien que mal son catéchisme et a fait sa première communion, il est transformé. Non ! des hommes de tant d’expérience n’ont point tant d’optimisme ; leur jugement n’en est que plus sûr. Certainement, ils font une différence entre le petit païen resté païen et le petit converti. « Le premier est sournois, dissimulé, a les traits plus durs, et ce caractère s’accentue avec l’âge. Le petit chrétien est apprivoisé : il est plus ouvert, plus affable et plus affectueux : son sourire s’épanouit plus franchement ; il est capable de délicatesse. La fameuse crise passée, devenu homme et marié chrétiennement, il persévère d’ordinaire ; et, s’il n’est pas sans défaut, s’il a même de la peine à se débarrasser de la paresse, du mensonge et du vol, il mène une vie morale. »

Mais pour que le résultat de cette nouvelle éducation soit acquis et consolidé, il faut plus d’une génération. Il faut surtout qu’il y ait eu pendant quelque temps un accord entre l’allégement apporté aux misères transmises avec le sang et ce qu’on a justement appelé l’hérédité sociale, c’est-à-dire cette suite d’imitations, de traditions, de résolutions concertées, de préjugés, si l’on veut, mais en prenant ce mot dans son sens le plus