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était dirigé par des prêtres, — étaient de nature à entretenir. La chapelle du collège n’existe plus ; mais l’admirable cathédrale demeure encore, et l’on aime à croire que René vint plus d’une fois s’agenouiller sous ces sombres et religieuses voûtes, et qu’il apprit à aimer l’art gothique en contemplant ces splendides verrières et ces étonnantes, ces fines colonnettes, qui montent d’un si noble élan vers le ciel, et qui, groupées en faisceaux de chaque côté du jubé, semblent s’être unies là pour porter à Dieu les humbles prières de tout un peuple de croyans.

L’époque de la première communion approchant, il eut, comme il était naturel, une grande recrudescence de pitié. Il faut ici relire dans les Mémoires d’Outre-Tombe le récit de ses abstinences excessives, de ses troubles, de ses scrupules, de ses terreurs, de ses « sanglots de bonheur » au moment de l’absolution, et de ce qu’il appelle « tout le triomphe de son repentir. » — Il eut d’abord, et très forte, la révélation de la vertu, de la « beauté morale » du christianisme : « J’ose dire que c’est dès ce moment que j’ai été créé honnête homme. » D’autre part, ardent et tendre comme il l’était, il était mieux disposé que personne à comprendre, à sentir toute la poésie de « cette cérémonie touchante et sublime, » dont il a vainement, nous dit-il, « essayé de tracer le tableau dans le Génie du Christianisme. » Il fut vraiment pris tout entier, et remué et secoué jusqu’au fond de l’âme :


J’approchais, — écrit-il, — de la sainte table avec une telle ferveur que je ne voyais rien autour de moi. Je sais parfaitement ce que c’est que la foi par ce que je sentis alors. La présence réelle dans le Saint Sacrement m’était aussi sensible que la présence de ma mère à mes côtés. Quand l’hostie fut déposée sur mes lèvres, je me sentis comme tout éclairé en dedans. Je tremblais de respect… Je conçus encore le courage des martyrs ; car j’aurais pu dans ce moment confesser la foi au milieu des plus cruels supplices…


De telles émotions ne s’oublient guère. Quand une fois on les a éprouvées, elles font désormais partie intégrante de notre nature morale, et, aux momens de crise, ce sont elles surtout qui surgissent du fond de notre âme, et qui revivent en nous, avec un relief, une intensité d’autant plus grande parfois qu’on croit davantage en avoir perdu le souvenir.

Peu après, l’enfant quittait Dol pour Rennes où il resta deux ans. Là, dans « ce Juilly de la Bretagne, » qui, en 1761,