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village de Marpingen, témoin, disait-on, d’apparitions miraculeuses.

Tout près de Bismarck, à Berlin même, immédiatement au-dessous de lui, la grande épopée du Culturkampf passionnait toujours l’humeur généralement placide des chefs de bureaux et des scribes : le futur ministre Bosse, qui entrait, à la fin de 1876, dans la chancellerie de Falk, constatait que beaucoup d’entre eux demeuraient de chauds partisans des lois de Mai. Falk était lui-même inflexible, systématiquement content de toutes les applications de la loi, quelque inélégantes ou quelque odieuses qu’elles fussent. Il refusait aux congrégations les délais mêmes que la loi lui permettait d’accorder. Il avait le goût d’épuiser son droit. Homme politique, il ne l’avait jamais été ; son esprit de juriste, sans cesse contrarié, excité, déconcerté, par les obstacles et les attaques, avait perdu tout calme et toute sérénité ; ce ministre n’était plus qu’un chicanier, et ses démarches à l’endroit de l’Église avaient l’âpreté d’un procès.

Un nouveau litige, que Falk laissait ou faisait surgir, devait provoquer sur le terrain scolaire des mêlées ardentes, interminables. Falk se considérait comme préposé par son souverain à l’instruction religieuse des petits Allemands ; en 1874, on l’avait vu, quinze jours de suite, quitter son ministère à l’aurore pour assister aux leçons de religion qui se donnaient dans les écoles de Berlin. L’État prussien persistait à charger ses instituteurs d’enseigner la religion ; mais de quel droit l’enseignaient-ils ? En vertu de mon ordre, déclarait l’État ; — de par la mission canonique que je leur donne, répondait l’Église.

Les présidens supérieurs et les évêques commençaient à en discuter, et le dialogue devenait soudainement une polémique. On échangeait, sur un ton de défi, certaines demandes d’explications. S’expliquer n’est pas toujours une garantie de paix ; c’est parfois un acte de guerre : entre un État belliqueux et une Eglise légitimement défiante, l’explication dégénérait en un échange de définitions anguleuses qui ne pouvaient s’harmoniser. Falk avait près de lui, pour s’occuper des questions scolaires, un ancien théologien protestant, Karl Schneider, qui regardait comme un péril pour la vie allemande la prépondérance du clergé romain dans les écoles où les petits catholiques se préparaient à devenir des hommes. Vingt ans durant, à la faveur d’une harmonie spontanée entre les deux pouvoirs, harmonie