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anagramme avec le nom de Lasker, Bismarck le traitait de kerl (vaurien).

Il n’y avait plus personne qui trouvât grâce devant cette mauvaise humeur du chancelier ; mais elle faisait une grande victime, c’était lui-même. Tout-puissant, il l’était toujours, mais il n’en avait plus la joie. Il était désormais troublé par une lutte intérieure, lutte qui s’exaspérait, au fond de lui-même, entre l’orgueil et le bon sens : le bon sens, le sens politique, condamnait les excès du Culturkampf, mais l’orgueil les prolongeait, ne fût-ce qu’en guise de représailles contre cette façon de pacifisme qui, dans certains cercles de l’Etat, concevait la paix religieuse comme une défaite bismarckienne.


V

Lorsqu’un gouvernement doute de son œuvre, lorsqu’il songe à s’amender et puis qu’il n’ose, lorsqu’il fait expirer en soupirs de regret certaines déclarations de fermeté, il advient en général que les fonctionnaires, par une sorte de vitesse acquise, prolongent, avec une impétuosité toujours pareille, le branle qui jadis leur avait été donné, et que, par de nouveaux péchés commis au nom du ministre, ils multiplient pour le ministre lui-même de nouvelles raisons d’être contrit, — platoniquement contrit. Il faut une vraie révolution dans la conscience d’un ministre, pour que le pays s’aperçoive enfin qu’au point de vue de la politique religieuse quelque chose est changé ; et de telles révolutions sont très rares. « Les adoucissemens de température » qui surviennent dans les hautes sphères n’ont qu’une répercussion bien lente dans les régions plus basses où vit et meurt le commun des citoyens. Deçà et delà, des épisodes incroyables se succédaient, que la presse du Centre nommait « les scandales du Culturkampf, » excès de zèle ou maladresses. Bismarck lui-même n’y était pour rien ; mais sa mémoire allait à jamais en supporter le poids. Pour toute l’Allemagne catholique, Bismarck était responsable, si des policiers violaient le secret d’un tabernacle, ou si des magistrats s’ingéraient dans le secret de la confession.

L’archiprêtre de la bourgade silésienne d’Ohlau s’en était allé dans la commune voisine de Zollwitz, dont le curé légitime venait d’être jeté en prison, et il avait emporté les hosties