Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 3.djvu/46

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

En ces mêmes mois de février et de mars 1876, deux rumeurs successives se propageaient au sujet du cardinal Hohenlohe : on prétendait d’abord qu’il allait se faire protestant, et qu’ainsi s’expliquait son long séjour en Allemagne, qui durait depuis six ans, et puis on ébruitait, au contraire, son départ pour Rome. La seconde nouvelle était la vraie. On parlait d’une mission confiée par Bismarck au cardinal. Il n’en est rien, disait au baron Baude notre ministre à Bruxelles, le futur cardinal Serafino Vannutelli ; mais ce qui était sûr, c’est que Hohenlohe étudiait le terrain. Le subtil chancelier ne détestait pas de laisser croire, de temps à autre, à quelque bonne volonté de l’Allemagne pour le Saint-Siège, et se réservait toujours de faire représenter ensuite à l’opinion allemande que, par la faute du Saint-Siège, tout échouait : le voyage du cardinal Hohenlohe pouvait prêter à l’un ou à l’autre de ces commentaires, et même aux deux ; et Bismarck ainsi pouvait en tirer parti sans en être compromis. Hohenlohe, là-bas, se tint aux écoutes : Ledochowski exilé, qui avait échangé l’hospitalité des prisons prussiennes contre celle du Vatican, estimait qu’à Berlin on n’irait pas plus loin contre l’Église, et que Bismarck ferait la paix, sinon tout de suite, au moins plus tard. Hohenlohe rêvait un instant d’une surprise diplomatique qui consisterait à faire envoyer comme légat de Pie IX à Berlin ce prélat contumace ; mais un haut personnage de la Curie lui disait que ce serait prématuré. Ce personnage ajoutait qu’à Rome on était d’ailleurs mieux disposé, et qu’on cesserait d’invectiver contre la Prusse. Rome ne pouvait-elle pas donner des instructions aux évêques d’Allemagne ? suggérait Hohenlohe. La suggestion n’était pas relevée, et le dévoué cardinal écrivait à Bismarck, avec une ponctualité hâtive, tous les détails de ces entretiens. Ils étaient peu concluans : l’horizon ne s’illuminait guère sur les Sept Collines. En octobre 1876, un prélat d’origine autrichienne, Montel, essayait d’accréditer auprès d’Antonelli l’agent d’un petit prince allemand. « Je suis malade, répondait le secrétaire d’Etat de Pie IX : la Prusse a élevé elle-même une muraille de Chine entre elle et le Vatican ; qu’elle la démolisse. »

Si Bismarck espérait recevoir de Rome certaines avances de paix, Bismarck désormais était détrompé. Qu’attendait donc pour changer de méthode la Prusse d’ores et déjà vaincue ? Après avoir vainement tenté d’intimider un Pape, se flattait-elle