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excuser, ni à plaindre Louis-Philippe autant qu’elle le voudrait, ce n’est pas seulement « parce qu’il n’aurait pas dû abdiquer. » « On n’aime pas à attaquer ceux qui sont tombés, mais le pauvre roi Louis-Philippe a beaucoup contribué à amener ce qui est arrivé, par son malheureux retour à une politique Bourbon (18 avril 1848). » Certes, elle n’a aucune sympathie pour la seconde République. Elle raille le lyrisme de Lamartine. Elle condamne l’idéologie de Louis Blanc. Elle redoute les violences des « gens à blouses. » Il n’y en a pas moins dans le coup d’État de 1851, dans la violation du serment constitutionnel, quelque chose qui lui répugne. Elle exprime « l’espoir » que son ambassadeur, lord Normanby, n’assistera pas au Te Deum d’actions de grâces : ce serait une « inconvenance (31 décembre 1851). » Elle tient à « demeurer dans les meilleurs termes avec le Président, écrit-elle le 20 janvier 1852, qui est très impressionnable et très susceptible… Je n’ai jamais éprouvé la moindre animosité personnelle à son égard : je crois qu’au contraire nous lui devons beaucoup, car en 1849 et 1850, il a certainement tiré le gouvernement français de la boue. Mais je suis peinée de l’oppression et de la tyrannie qu’il fait peser sur la France depuis le coup d’Etat (sic)… »

Les libertés publiques n’ont rien qui surprenne Victoria, et la neutralité constitutionnelle n’a rien qui lui pèse. Des sympathies partiales ont pu l’entraîner, au début de son règne, vers les whigs plutôt que vers les tories, à la fin de sa vie, davantage vers les conservateurs que vers les libéraux. Mais ces préférences ne se sont guère manifestées que sur le terrain des sentimens intimes et des relations personnelles. Elle n’a jamais admis, un seul instant, qu’elle pût appartenir à un parti politique. Dans sa correspondance, elle considère le principe de la neutralité politique comme un dogme intangible. Elle y voit, avec raison, pour la Couronne, désormais à l’abri des querelles parlementaires, une cause de popularité et une chance de durée. S’il lui est arrivé d’intervenir dans des conflits ou de discuter des réformes, elle s’est efforcée d’enlever à son acte tout soupçon de partialité, et de le justifier par des raisons d’équité ou des intérêts patriotiques.

Malgré les émotions des fiançailles, elle conserve assez de sang-froid et de bon sens pour refuser au prince Albert de lui accorder le titre de pair. « Si vous étiez créé pair, tout le monde