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où la robe dalmatique fut attachée sur moi par le Lord grand Chambellan. » Elle n’oublie aucun des insignes de la monarchie. Elle mentionne avec soin les moindres gestes. « Quand l’hommage fut terminé, je quittai le trône, ôtai la couronne et reçus le sacrement. Puis, ayant remis ma couronne, je remontai sur le trône, m’appuyant sur le bras de lord Melbourne. Au commencement de l’antienne, je redescendis et passai dans la chapelle de Saint-Edouard avec mes dames, mes porte-traîne et lord Willoughby. Je quittai la robe dalmatique, la tunique ; je remis la robe et le manteau de velours pourpre ; et je regagnai le trône, aidée par la main de lord Melbourne. » La Reine note l’émotion des principaux acteurs, sans surprise et avec gratitude. Dans la loge au-dessus de la loge royale, « l’angélique Lehzen a tout vu » (sic). « Elle et Spath, lady John Russell et M. Murray me virent quitter le palais, arriver à l’abbaye, et la quitter pour retourner au palais. » Et des points d’exclamation dénotent l’importance que cette jeune fille, Reine depuis un an à peine, attache à cette vision, à ce rare privilège. Un prêtre ne parlerait pas différemment de sa première messe. Sans exaltation mystique, sans trépidation nerveuse, Victoria a officié, ce jour-là, avec toute la certitude morale, toute la gravité religieuse d’un clerc, investi d’une mission sacrée. Cette attitude vis-à-vis des rites monarchiques n’a jamais varié. Le 17 mars 1843, elle écrit à sir Robert Peel, pour lui exprimer le désir que le Prince consort tienne à sa place des levées et lui épargne ainsi « l’extrême fatigue des présentations. »


Le Prince naturellement tient les levées pour la Reine et la représente. Ne pourrait-on, par conséquent, faire comprendre à tous ceux qui lui seraient nommés, que cet honneur équivaudra à une présentation à la Heine elle-même ? Les personnes présentées feraient, peut-être, quelque objection à baiser la main du Prince et à s’agenouiller, mais il serait possible détourner l’obstacle en se bornant à nommer au Prince les personnes présentées.


Il faut avoir assisté à des cérémonies anglaises, à l’enterrement d’un monarque, ou même à l’ouverture annuelle du Parlement, pour bien comprendre toute la valeur de ces lignes. Volontairement ou non, par devoir ou par timidité, chacun des figurans, depuis le grenadier et le yeoman, jusqu’au cocher et au piqueur, ont la figure immobile, la démarche saccadée, l’attitude hiératique d’un officiant. La reine Victoria, en contribuant