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inconsciente que M. Raffaelli appelle le « çaractérisme, » et qui est une forme du grand art. Il prétend être un réaliste et là, en effet, ses prétentions au réalisme sont pleinement justifiées.

Même les choses qu’il aime le mieux, qu’il admire avec le plus de ferveur, il les montre telles qu’elles sont. Ainsi les mains. Certes, il étudie les mains de ses modèles avec une curiosité passionnée, un goût voluptueux. Il les scrute avec autant de soin qu’une chiromancienne. Aussi, ne sont-elles pas interchangeables, comme celles des portraits de Van Dyck et de tant d’autres : elles suffiraient à identifier les figures. Pourtant il ne les flatte pas. Il s’abstient de les faire plus petites qu’il ne les voit. Lorsqu’elles viennent en avant, il les voit énormes, comme les verrait l’objectif photographique et les montre telles quelles. Le portrait de la baronne James de Rothschild, de Mme Ingres, née Ramel, et de bien d’autres en témoignent. Aucune affectation non plus à leur donner trop d’importance. Si attentif qu’il soit au dessin des mains, si supérieur qu’il s’y montre, il n’en fait pas étalage inutile. Bien souvent, il les cache à demi, comme celles de Mme de Tournon et de Mme Devançay, n’en montre qu’une comme chez Mme de Senonnes, laissant l’autre se perdre dans la fine trame des plis. Par une coquetterie d’impeccable virtuose, il joue la difficulté en abordant les raccourcis les plus périlleux, comme dans les mains de Mme Panckoncke et la main gauche de Mme Ingres. Au lieu de montrer, il suggère et avec une telle perfection qu’on lui sait gré de tout ce qu’il laisse à deviner.

Cette fidélité au modèle est poussée parfois jusqu’au scrupule. Quand il fait son propre portrait, de trois quarts, il n’ose pas donner à son regard la même direction qu’à sa figure, parce que posant devant une glace et une glace simple, il faut bien, pour qu’il se voie lui-même de trois quarts, qu’il regarde de côté, — et il se dessine un regard en coulisse. A. cette véracité il doit son impeccable dessin. On ne saurait citer un portrait, ni une étude dont le trait soit faible ou banal.

Considérez les figures de Mme de Tournon, de Mme Panckoucke, de Bartolini, de la « Belle Zélie, » de M. Mole, de Mme de Senonnes : d’abord, ce, sont, Là, des portraits véritables, c’est-à-dire faits à la ressemblance de la personne qu’ils représentent et non à la gloire de ses arbres, de sa fenêtre, de ses meubles, du soleil qu’il faisait ce jour-là et des reflets de son chapeau, — bref de