Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 3.djvu/420

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et Royale l’oubli du passé et de poser les bases d’une liaison sincère et durable qui doivent enfin remplacer l’inimitié mutuelle qui a trop longtemps existé entre nous, bases qui seront sacrées pour moi, puisqu’elles seront fondées sur la reconnaissance et l’admiration. »

Peine perdue ! Démarche inutile ! Napoléon avait prescrit de ne point recevoir le cardinal Ruffo, de ne rien entendre et d’en finir une fois pour toutes avec une Cour perfide. Le cardinal Fesch s’était permis d’appuyer la mission de Ruffo. Napoléon rembarra ainsi son oncle : « Je trouve bien petites et bien puériles toutes vos réflexions sur le cardinal Ruffo. Vous êtes à Rome comme une femme. Vous avez eu tort de conseiller à ce cardinal de se rendre à Paris. Ne vous mêlez point de choses que vous n’entendez pas ! »


C’est en vain que la Reine supplie Gallo de les tirer du malheur où de méchans amis les ont entraînés, de mettre son esprit et ses talens à la torture pour réussir à les sauver. Gallo, qui a été trompé par elle, ne peut plus rien. On lui avait confié, depuis le mois de décembre 1801, l’ambassade de Naples à Paris. Il avait, pendant plus de trois ans, négocié avec Talleyrand un traité de neutralité des plus délicats et, au moment où il croyait avoir évité au royaume une ruine fatale, il apprenait que Ferdinand IV avait signé avec Elliot et Tatitscheff un acte secret qui les jetait dans une coalition nouvelle contre l’Empire. Devant un tel procédé, il s’était considéré comme libre désormais de tout engagement envers la dynastie napolitaine.

Alors Marie-Caroline se voit perdue. Elle a lu le Moniteur où Napoléon veut la confondre avec de vulgaires conspirateurs. « Cette guerre, dit-elle, est indigne d’un grand souverain et n’emploie que des moyens révolutionnaires… Pour les infâmes épithètes, il me suffit dans mon cœur de ne point les mériter. J’ai six enfans vivans de dix-huit que j’ai eu le malheur de mettre au monde. Je laisse à eux de me juger comme je suis mère pour eux ! Je pourrais très bien avec esprit et piquante vérité continuer cette guerre de plume, mais je trouve ce moyen indigne et peu fait pour les personnes supérieures bien pensantes. »

Mais il est trop tard pour se plaindre et pour récriminer comme pour agir. L’abdication même ne suffit plus. Le sacrifice que le Roi et la Reine offrent eux-mêmes de leur couronne