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la violence de Buonaparte, il sait l’amener à temps, le tourner. Aussi parlez à ces Talleyrand à nous qui, s’ils ne sont point les derniers des gueux, doivent se ressouvenir de mes bienfaits, de ma bêtise et bonhomie pour eux. Parlez à l’auguste Impératrice, au premier Saltimbanque, son amant. Enfin tâchez de nous sauver. Rappelez que jamais, avec des caractères comme nous, par baïonnettes, on devient amis… J’espère que l’empereur des Français, à force de facilités de conquêtes, s’en fatigue, pense à jouir un peu de son extraordinaire bonheur, à vivre et laisser vivre les autres. Pour l’auguste Beauharnais, impératrice, je l’aime beaucoup mieux que son mari, la croyant bonne, et lui, un démon pétri de méchanceté. Mais je préférerais écrire à lui qu’à elle. A lui, le bien de ma patrie, le devoir, le désir de sauver ma famille, mille motifs m’y obligeront. A elle, quoique la préférant de beaucoup à lui moralement, je le croirais le comble de la bassesse et ne le ferai jamais. » Puis, quelques jours après, plus inquiète que jamais, elle ajoutait : « Peut-être me ferai-je le monstrueux effort d’écrire à l’Impératrice romaine ? Cela me coûte infiniment et je ne sais si j’en aurai le courage. Plaignez-moi. Il est malheureux dans ce siècle d’être née avec une âme et un cœur ! »

Elle déteste, elle exècre, elle maudit Alquier, qui a découvert et percé toutes ses intrigues. Elle désirerait qu’on l’écartât de Naples. La colère de Marie-Caroline vient des conditions imposées par l’Empereur et qu’Alquier a soutenues devant elle et le prince royal, le 16 novembre. Quelles sont-elles ? « Fermer les portes aux Anglais, chasser leur mission, mettre l’embargo sur leurs propriétés, désarmer la Calabre et les places fortes, renvoyer le ministre Elliot, enlever l’inspection de l’armée à M. de Damas et renoncer à toutes trames ou intrigues contre la France. »

Le Roi et la Reine crurent bon, à la suite de cet ultimatum, d’écrire directement à l’Empereur et de protester de leurs intentions amicales, en le suppliant encore une fois d’éloigner les troupes françaises de leurs Etats. Napoléon se décida à briser les vitres et, le 2 janvier 1805, il répondit comme il savait répondre quand il voulait être entendu. Au Roi, il dit simplement que ses troupes ne quitteraient le royaume de Naples que lorsque Malte serait évacuée par l’Angleterre et Corfou par la Russie. Il ajoutait : « Que Votre Majesté me permette de le lui dire :