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présent ni pour l’avenir. Elle continue à prévoir mille maux. « Napoléon suit son plan, écrit-elle ; il trouve sa terreur facile : l’Europe entière, égoïste, sans âme et les Français saltimbanques qui ont tué ignominieusement le meilleur des rois, commis les horreurs des Néron et des Caligula pour la soi-disant liberté, renversé les trônes, les autels, toute autorité et propriété, pour être, plus qu’ils ne l’ont jamais été, sous le joug. Aussi, suis-je entièrement revenue de tout, de tout, de tout ! »

Maîtresse du pouvoir royal, elle ne se gênait pas pour appeler chaque jour auprès d’elle le ministre anglais Elliot et lui témoignait une confiance blessante et inquiétante pour la France. Parfois, le Roi avait des velléités de ressaisir quelque pouvoir, et entre les deux époux éclataient des scènes violentes, « honteuses, qui, suivant Alquier, déshonoreraient un ménage bourgeois. » Acton n’était plus là pour rétablir la paix et cela donnait lieu à de véritables scandales. Ferdinand IV affectait cependant quelque dignité devant Elliot. Il disait que « comme roi, comme Bourbon, comme homme intègre, comme chrétien, — on voit qu’il se donnait toutes les qualités ! — il abhorrait les idées françaises et détestait les noms de tous les meurtriers de son proche parent, et surtout de l’inique usurpateur de son trône. Il laissait entendre que tout « en refusant de déclarer la guerre à la France, car ce serait folie, » il augmentait son armée et tous ses moyens de défense à Naples et à Palerme, afin de n’être pas pris au dépourvu. Il était reconnaissant à l’Angleterre de ses subsides et l’assurait, par sa parole d’honneur, de la fidélité de ses sentimens. C’était ce que pensait aussi la Reine, et les deux souverains, poussés par l’Angleterre, dédaignaient les sages conseils de Napoléon, qui les invitait à garder une neutralité loyale et à ne pas s’opposer à son plan : l’union des monarchies de race latine. Malgré les intérêts immédiats de sa couronne, la Reine fulminait toujours. Elle incriminait le général de Saint-Cyr et les autres officiers français qui, suivant elle, montraient une avidité de vautours et se jetaient sur le trésor de l’Etat. Elle répétait ses plaintes contre l’Empereur, qui envoyait des renforts à Naples et augmentait leurs charges de 50 000 ducats par mois, sans compter les dégâts faits par ces troupes. Elle craignait pour la sécurité de Naples et de Gaëte. « Abandonnés de tous, trahis comme nous le sommes, nous tomberons glorieusement et nous ajouterons