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occupés pour s’annuler eux-mêmes. « Toute l’Europe, dit-elle dans sa lettre du 29 mai 1802, est complètement asservie, et si demain Buonaparte devient empereur des Gaulois, il y aura lutte entre les souverains à qui le reconnaîtra le premier et lui fera compliment et hommage ! Voilà le cas. » Que peut faire Naples en cette occasion ?… Végéter, voir, combiner, calculer et se taire. Pour se faire oublier, il faut améliorer les finances, la justice, la police, l’ordre et l’armée. Mais faire de la politique, c’est vouloir être opprimé, détruit, anéanti. » Pourquoi Marie-Caroline n’a-t-elle pas suivi elle-même ce programme si sage et si prudent ?

Si elle avait été Française, lors de la proclamation du Consulat à vie, elle aurait dit, — c’est elle qui l’affirme : — « Je suis pour que Buonaparte nous gouverne uniquement et à vie sous la dénomination de Consul perpétuel, ou Roi, ou Empereur des Gaules… mais, après l’avoir proclamé par conviction à tous les titres qu’il mérite, je voudrais le prier de mettre un frein à ses vues de conquête, à ses idées sur l’Italie et la Turquie qui feront notre perte, et de ne s’occuper que de jouir de la grandeur si bien acquise par son énergie, fermeté et courage. » Elle dit encore à Gallo : « Mandez-moi ce que compte faire Buonaparte de l’Italie ! Si je lui déplais, qu’il me fasse donner une forte pension et assurée du Roi, et que je puisse vivre où je veux. Je lui promets d’oublier toute l’Italie et de vivre retirée le reste de mes jours. C’est là mon unique souhait. »

Voilà où en était arrivée, en des heures d’angoisses, la terrible Marie-Caroline, la reine altière, orgueilleuse et irréconciliable ! De Palerme où elle s’était réfugiée en 1798 devant les succès de Championnet, puis de Vienne où elle avait été mendier l’appui de son gendre, elle rentre à Naples, le 17 août 1802, après la paix conclue avec la République, et lorsqu’elle croit le royaume délivré de ses ennemis intérieurs et extérieurs. Mais en face des difficultés nouvelles qui l’assaillent, en présence d’un roi ambitieux, médiocre, vaniteux, approuvant à la fois le pour et le contre, et surtout préoccupé de sa santé, elle souhaite que le Premier Consul veuille bien, pour une année seulement, « réordonner Naples et toutes les classes qui, toutes, auraient besoin de son gouvernement actif, sage et ferme. » Elle a appris que Buonaparte voulait lui faire un présent, comme il en a fait un à la reine d’Espagne. Elle se contentera tout simplement