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Vérone, Mantoue, Bologne, Modène, Trente, n’avait pas besoin d’avoir recours à la corruption pour vaincre encore. Livourne et Bergame tombent en son pouvoir. La bataille d’Arcole achève le désastre de la troisième armée autrichienne, la République cisalpine est créée, et l’Italie est soumise en huit mois à l’influence française. D’autres succès aussi éblouissans vont achever dans l’année suivante la gloire de nos armées et de leur chef invincible. De même qu’elle a été l’adversaire de la Révolution, Marie-Caroline va se montrer l’adversaire infatigable de celui qui l’incarna. De son côté, Bonaparte, qui connaît son audace et son esprit d’intrigue, ne la ménagera pas. La lutte de cette femme et de celui qui de Premier Consul va devenir Empereur, lutte qui durera huit ans, est un drame digne d’être contemplé. Je vais en décrire les diverses scènes à l’aide de la correspondance inédite ; correspondance émouvante et passionnante, où se manifestent dans toute leur ampleur l’activité, la fougue, l’audace de Marie-Caroline. Si cette reine eût eu autant de sang-froid que d’énergie, autant de constance que de hardiesse, autant de suite dans les idées que d’intrépidité, elle eût sauvé le royaume de Naples et elle eût acquis, dans les fastes de l’histoire, un renom égal à celui des princesses illustres qui surent diriger les destinées de leur pays.

Le 24 octobre 1796, au moment où Marie-Caroline apprend que le prince de Belmonte, son délégué, vient de signer à Paris la paix avec le Directoire, elle s’inquiète de savoir ce que va devenir l’Autriche qui s’épouvante des succès incessans de l’armée française. On dit que cette puissance a reçu un courrier porteur de l’offre d’un armistice. La Reine craint que le Pape n’en puisse profiter. Elle doute à cet égard aussi bien des intentions de l’Autriche que de la France. Quant à la Cour de Naples qui prétend défendre les intérêts de Pie VI, elle aurait voulu y faire comprendre le Saint-Siège. Mais Buonaparte fait savoir au Directoire que Naples n’a point à se mêler de cette affaire dont s’occupe l’Espagne. Marie-Caroline ajoute dans une lettre à Gallo qu’on lui recommande de ne rien dire à ce sujet, « et cependant, remarque-t-elle, on veut la paix à tout prix, — ce on concerne l’Autriche, — par peur, égoïsme, avance, manque total de courage et d’énergie. Cela est tellement vrai que chacun