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Qu'il est touchant de connaître une sorte de beauté virginale qui a fait les délices d'un temps si lointain !… Cet idéal féminin, les contemporains de Périclès l'avaient déjà méconnu. Il était déjà suranné, lorsque Phidias sculpta les frontons et la frise du Parthénon.

À cette époque, on ne voyait plus les Corés. Elles étaient mortes et on les avait mises en terre. C'est une histoire surprenante. On les dressa, vers la fin du vie siècle, dans une chambre de l'ancien Hécatompédon ; elles furent la cour marmoréenne d’Athèna. Mais, en 480, les Barbares d'Asie arrivèrent ; et ils saccagèrent toute l'Acropole. Ils démolirent le temple et renversèrent les Corés. Quand ils furent partis, les Athéniens se hâtèrent de réparer la cella du temple. Mais, pour les Corés, qui en tombant s'étaient cassées, on les jeta dans les déblais et on les couvrit de terre. Elles disparurent ainsi.

Elles ne virent la lumière du jour qu'un peu de temps, un demi-siècle à peu près. Et puis leur sépulture a duré deux mille trois cent soixante-cinq ans, durant lesquels on oublia même qu'elles eussent jamais flori. Enfin, les archéologues les retrouvèrent ; et les voici, vivantes de nouveau, jolies et radieuses. Seulement, elles ont changé de domicile et elles n'habitent plus un temple, mais un musée. Elles subissent en souriant cette avanie de la destinée impitoyable.

On a beaucoup discuté sur le point de savoir quel était leur office, dans l’Hécatompédon. Certains critiques ont voulu qu'elles fussent des Athèna ; or, on n'aperçoit en elles nul caractère divin. Les prêtresses d' Athèna, peut-être ? On ne leur voit pas les insignes du sacerdoce. M. Lechat, qui leur a consacré le zèle d'un érudit, les considère comme des objets d'art que des personnes pieuses offraient à la divinité pour qu'elle en eût les yeux réjouis.

Mais je crois qu'il y a, dans l'aventure des Corés, de singulières péripéties, dont le détail nous échappe ; et nous sommes tentés de les deviner, plutôt que nous ne les savons.

Les Corés de l'Hécatompédon sont habillées du costume ionien : c'est le chitôn, longue robe en toile de lin, et l'himation, sorte de châle qu'on portait de plusieurs manières. Jusqu'au milieu du vie siècle, les Athéniennes étaient uniformément vêtues d'un péplos de laine, attaché sur les épaules par de longues épingles. Dès le premier quart du ve siècle, elles