Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 3.djvu/35

Cette page n’a pas encore été corrigée

LA FILLE DU CIEL. 29 fleurs des lointains climats qui s’ouvraient, humides encore des rosées de la nuit... Et ce beau Phénix impérial, qui rayonnait dans toute sa gloire... (Il se laisse tomber sur le trône auprès d’elle, la tête cachée contre le dossier, entre ses bras qu’il croise.) L’Impératrice. — Aujourd’hui, sur ces fleurs, la flamme des incendies a passé... Et il agonise, le Phénix, qui a brûlé ses ailes à tous les feux de la guerre... Mais, au seuil de la mort, il vous dira son secret le plus profond ; à votre tour, entendez- le !... (V Empereur redresse la tête et la regarde.) Tout à l’heure, vos paroles de noble et magnifique sacrifice... oh! sous mon masque impassible, avec quel trouble ne les ai-je pas écoutées !... Et j’aurais cédé peut-être, si ce devoir que vous me présentiez n’avait dû être qu’un pénible devoir; mais il m’eût été trop aisé et trop doux,... car je vous aimais... (LEmpereur se lève.) Et, vivante, je n’ai plus droit au bonheur, puisque ce grand bûcher humain dans mon palais, c’est moi qui... L’Empereur, interrompant avec exaltation. — ma souve- raine!... ma belle fleur fauchée!... Entendre cela de vos lèvres, au moment où elles vont se glacer pour jamais... Oh! être aimé de vous, je n’y croyais plus, moi... Et pas un secours possible, ni des hommes, ni des dieux, rien!... L’Lmpératrice. — Un secours!... Est-ce que je l’accepterais?... Je n’ai parlé que parce que je vais mourir... Un secours!... Mais, puisque c’est moi, je vous dis, qui ai allumé le bûcher,... puisque c’est cette main-là, tenez, qui a porté la torche en- flammée... Et, pendant qu’ils se jetaient tous dans la fournaise, mourant pour mon fils et pour moi, je leur criais mon serment : je viens bientôt, au pays des Ombres, je viens, je vous suis... Après cela, vous me voyez, demeurant vivante à vos côtés, vi- vante et heureuse... Je me ferais horreur!... (Près d’elle, tou- jours assise, C Empereur se jette à genoux, la tète appuyée sur les coussins du trône.) En pénétrant dans ce palais, c’était de moi-même que j’avais peur, rien que de moi-même,... car l’im- posteur étrange, apparu dans mon palais un jour, jamais, même quand je ne savais pas, même quand je ne comprenais pas, jamais je n’ai pu le haïr. Et, dans la litière si close qui m’ame- nait à Pékin, à chaque étape du lugubre voyage, grandissaient mes épouvantes et mes angoisses,... à mesure que ce pressenti- ment s’affirmait, jusqu’à la certitude, que l’Empereur, ce serait