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peine de retour à Rouen. Dudon de son côté dit que Rollon rejoignit ses hommes seulement à cet endroit. Tout cela n’est pas inconciliable. Les Normands revinrent dans leurs cantonne-mens en faisant un grand crochet par la Beauce pour éviter Chartres, trop forte pour être enlevée au passage. La saison commençait à s’avancer, car l’évêque Madalbert était encore vivant en septembre : sa signature figure le 11 de ce mois sur l’acte de fondation de Cluny. Les Normands pillent Etampes et regagnent la vallée d’Eure à Villemeux, près de Dreux. Là ils sont assaillis pas un gros de paysans, furieux sans doute d’avoir été razziés. Il est à remarquer que dans les mêmes parages, un demi-siècle auparavant (859), une agression analogue s’était produite. Le paysan est le premier à se lasser des expéditions normandes parce qu’il est toujours le premier à en pâtir.

Arrivons à la campagne de 911, la dernière. Rollon fait d’abord une tentative sur Paris. Cette tentative a été révoquée en doute parce qu’aucune chronique de la région n’en fait mention. Cependant on possède un document capital qui semble bien s’appliquer à cet épisode. C’est une lettre, transcrite en marge d’un manuscrit de la cathédrale de Chartres, par laquelle « le comte Robert et le duc Manassé font savoir au comte Richard qu’ils se sont avancés à la rencontre des Normands et que, ne les trouvant pas, ils sont rentrés à Paris. Ils lui demandent en outre s’il a l’intention ou non de venir les rejoindre. » La lettre n’est pas datée, mais l’écriture est du début du Xe siècle. Le comte Robert, c’est le comte de Paris, frère du roi Eudes, qui plus tard se révoltera contre Charles le Simple ; le duc Manassé, c’est le comte de Dijon. Ils n’avaient pas toujours été en si bons termes. En 900, au cours d’une expédition, il y avait eu brouille complète. Manassé avait tenu au roi Charles le Simple des propos désobligeans sur Robert : celui-ci froissé avait faussé compagnie sans prendre congé de personne. Ils avaient eu le temps de se réconcilier depuis. Quant au comte Richard, c’est le duc de Bourgogne, suzerain de Manassé, un des seigneurs les plus estimés de l’époque : on l’appelait « le justicier. » Ce qui confirme l’opinion que cette lettre est bien de 911, c’est que Richard participera avec Robert aux opérations dont le siège de Chartres par Rollon va être l’occasion. Il a donc répondu à l’appel.

Rollon avait des raisons d’en vouloir à la ville de Chartres