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voient dans Huncdeus l’éternel Hastings ; c’est la version des Annales d’Asser, compilation anglaise du XIIe siècle, tirée en partie de sources inconnues. D’autres l’identifient sans preuve avec Rollon dont la première apparition certaine dans cette région semble correspondre à cette époque. L’historien danois Steenstrup en fait un oncle de Rollon, par une conjecture ingénieuse, mais pour le moins hardie. Il lit Hulcheus au lieu de Huncdeus, ce qui rappelle un oncle de Rollon appelé Hulcius par Guillaume de Jumièges. La seule chose sûre, et c’est la seule qui nous importe pour le moment, c’est que l’hypothèse d’un accord amiable entre le roi de France et un chef normand paraissait encore à cette date une monstruosité.

Charles le Simple, devenu seul roi (1er janvier 898) par la mort du roi Eudes, comprit qu’il fallait d’abord organiser la résistance avant de songer à autre chose, si tant est qu’il y songeât dès lors réellement. Au printemps 898, nous le voyons attaquer en personne une bande normande qui ravageait le Vimeu, petit pays entre la Bresle et la Somme ; la même année, une autre est taillée en pièces du côté de la Bretagne, et le duc de Bourgogne, Richard, en met en fuite une troisième qui infestait la Bourgogne. Le métier d’envahisseur se gâtait : la féodalité, en s’organisant, rendait difficile tout plan de défense générale, mais créait au moins des centres de résistance locale. Les années suivantes sont moins agitées. Les Normands de la Loire font encore parler d’eux, ceux de la Seine se tiennent plus tranquilles. Ils s’installent dans le pays d’où ils ne sortiront plus. Nous en avons des indices. Ainsi un diplôme de Charles le Simple (22 février 906) donne à saint Marcouf le monastère de Corbény, près de Laon, à la place du sien, situé sur la côte orientale du Cotentin, que les Normands l’ont obligé à fuir. La prise de possession du pays par les Normands n’est d’ailleurs ni complète ni méthodique : par un diplôme du 17 décembre 905, Charles le Simple donne à son chancelier quelques dépendances du château de Pitres, à l’embouchure de l’Andelle, d’où l’on a conclu, peut-être un peu facilement, que les Normands ne dépassaient pas encore cette rivière. Tout cela n’était pas si régulier. Les Normands occupent le pays, y sont campés, mais n’en jouissent pas encore en bons pères de famille.