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des embellissemens, des portraits littéraires, et même des ornemens poétiques, car Dudon entremêle sa prose de vers pour le moins superflus.

On conçoit après cela que Dudon ne puisse être utilisé qu’avec un grand luxe de précautions. Nous sommes en présence d’un récit dont le fond peut être vrai, mais qui dénature la physionomie de beaucoup de faits. Quant aux chroniqueurs normands postérieurs, il n’y a pas à en parler : tous dérivent de lui, brodent sur son texte et n’y ajoutent rien qui compte pour cette époque.

Comme témoignages contemporains, nous n’avons que quelques lignes qu’il faut aller glaner un peu partout. Il y a dans toutes les grandes Annales monastiques Une lacune au moment précis où se place l’établissement définitif des Normands en Neustrie. L’entrevue de Saint-Clair-sur-Epte est de 911. Les Annales de Saint-Vaast s’arrêtent à 900 et celles de Flodoard ne commencent qu’en 919. C’est d’autant plus regrettable que les unes et les autres sont à bon droit réputées pour la sûreté de leurs informations. Flodoard surtout, chanoine et archiviste de la cathédrale de Reims, avait en mains une foule de documens qu’il a utilisés avec beaucoup d’esprit critique. Il a même souvent cité ou reproduit ses pièces justificatives, comme le ferait un historien moderne, ce qui donne à son témoignage une valeur particulière. A défaut de ses Annales, on trouve bien dans son Histoire de l’Eglise de Reims quelques renseignemens donnés en passant, mais ce ne sont que des lueurs fugitives dans la nuit.

Réginon, abbé de Prum (diocèse de Trêves), comble en partie cette lacune pour les pays lorrains, mais il est plus maigre et plus vague en ce qui touche le centre et l’ouest de la France. En outre, il s’arrête à 906, et le moine inconnu qui l’a continué ne nous dit à peu près rien des Normands de la Seine. Reste Richer, écrivain postérieur et très discuté, qui était moine de Saint-Rémi à Reims et qui a continué l’histoire de Flodoard. Rien placé pour connaître les faits de son temps, il se contente de paraphraser Flodoard pour la période antérieure, et il est d’une confusion inexprimable pour toute la partie qui manque chez son prédécesseur, celle précisément dont nous aurions besoin. Né entre 940 et 950, il a pu connaître Flodoard qui a vécu jusqu’en 966 et il n’a pas connu l’ouvrage de Dudon, car