Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 3.djvu/25

Cette page n’a pas encore été corrigée

LA FILLE DU CIEL. 19 eunuques et deux suivantes amènent aussitôt l'Impératrice, jusqu'au pied du trône, et, après s'être prosternés, se retirent, la laissant seule. Elle est en grand deuil tout blanc, les mains liées par une corde de soie.) SCÈNE VI L'IMPÉRATRICE, puis PRINCE-FIDÈLE. L'Impératrice, bas, à elle-même. — Tant d'égards dont ils m'entourent... m'épouvantent... plus que le supplice et la mort. Pourquoi son palais, à lui, au lieu d'un cachot... Lui, lui, qu'ose-t-il espérer? Lui, que me veut-il?... Prince-Fidèle, vêtu de la robe du général tartare, entre e7i courant par tme porte du fond et se prosterne aux pieds de l Impératrice . — Oh ! le ciel est encore clément, puisqu'il permet qu'avant de mourir je me prosterne une dernière fois devant mon Impératrice adorée. L'Impératrice, avec calme et égarement. — Vous? C'est vous qui êtes ici?... Cher prince !... Alors, sommes-nous donc partis de la Terre, est-ce déjà notre réunion plus haut que la vie?... Sans cela, par où seriez-vous venu, comment, par quel sortilège, à travers tous ces murs qui font peur?... Prince-Fidèle, toujours prosterné. — L'audace ne coûte pas, quand on n'a plus rien à perdre... Et puis les Dieux, sans doute, étaient avec moi... Oui, j'ai passé, comme par sortilège, ainsi que vous dites, j'ai passé les murs, les portes gardées... Un de ses soldats, à lui, m'a guidé aussi, pour ce qui me restait d'or... Pardonnez-moi, voici que je pleure : est-ce de joie ou de détresse, je ne sais plus... De joie, oui,... car je ne souhaitais que cette grâce : avoir revu Votre Majesté, lui avoir dit une fois, à genoux, ma vénération passionnée,... qui, si près de la mort, n'ofîense plus, n'est-ce pas... Et surtout, lui offrir le présent magnifique, le présent qui délivre de tous les outrages du vainqueur... Elle est donc accomplie jusqu'au bout, ma mission de sujet fidèle : car ce présent, je l'ai apporté à mon Impératrice... L'Impératrice. — Le poison ! (Comme un cri de délivrance et de triomphe.) Ah ! .. . Prikce-Fidèle, offrant un poignard. — Le poison... Hélas ' je n'ai pas pu... Rien que cela, tenez.