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devant l’autre, étaler une perversité dont ils se sont approvisionnés chez les bons auteurs, énumérer la kyrielle de défauts sur quoi ils comptent pour paraître aimables. C’est Lise Bernin qui écrit les lettres signées Mirette, les lettres de l’inconnue, de la femme mariée qui a banni de son style toute pudeur. Nous l’aurions parié ! Comment résister à ce grand jeu de l’amour et de l’effronterie ? André Lortay épousera Lise Bernin et prendra Tréguier pour témoin.

Au second acte, nos jeunes mariés ont sept mois de mariage. A voir les démonstrations d’amour qu’ils se prodiguent en public, on jurerait que la lune de miel continue. Mais ce ne sont que des démonstrations en public et pour le public. Dans l’intimité, ils se cachent mal l’un à l’autre leur ennui et leur déception. Pourquoi ? C’est qu’ils ont continué à jouer le rôle dans lequel ils se sont connus, à tenir l’emploi pour lequel ils se considèrent comme engagés. Et ce rôle qui se prolonge leur est devenu insupportable, sans qu’ils aperçoivent aucun moyen de s’en délivrer. Aussi les journées sont-elles mornes sur la plage bretonne où ils sont venus passer l’été. On demande un visiteur, ami ou passant, quelqu’un enfin, qui soit un tiers et rompe la monotonie du tête-à-tête. Arrive Tréguier. Successivement la petite femme et le petit mari lui font leurs confidences ; ils ne sont pas heureux ; ils le prient de venir à leur aide ; et, par un singulier hasard, le service qu’ils attendent tous deux de lui est le même : c’est qu’il fasse la cour à Lise, qu’on appelle maintenant Mirette. Nous comprenons Mirette ; elle s’ennuie : on prend ce qu’on trouve. Nous comprenons moins le mari. Mais on ne comprend pas toujours la politique des maris. Cela n’a d’ailleurs pas grande importance. Un bonheur ne vient jamais seul. D’Aprieu, qui fut le second témoin du mariage Lortay, vient à passer par là, avec une petite amie, Jeanne Frémy. On l’invite à faire un séjour, lui et la petite amie… Si un auteur, aussi exercé que M. Lavedan, réunit sur un même point du globe tous ces personnages, c’est, vous le pensez bien, qu’il leur réserve un rôle à chacun dans le drame qu’il a combiné. Car nous voici en plein drame.

D’Aprieu et Tréguier font tous deux à Mirette une cour en règle, mais d’une manière différente et avec des chances inégales. La cour de Tréguier est une cour respectueuse, sentimentale, en service. commandé. D’Aprieu est brutal, pressant, pressé, trop pressé : c’est ce qui le perd ; il se croit trop tôt à l’instant d’obtenir ce qu’il veut prendre. Mirette appelle au secours. Ce n’est pas le mari qui répond, étant pour lors occupé auprès de la petite amie de d’Aprieu : c’est