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POÈSIES

LE ROSEAU


La terre, avant les temps que l’Histoire dénombre.
La vie a devant soi la faim, le froid et l’ombre.
Le globe, que couvraient hier les grandes eaux,
Est encore un marais sans herbes, sans roseaux,
Et sur ce monde, fait de fange refroidie,
Jamais la foudre encor n’alluma d’incendie ;
Mais déjà, dans la nuit de l’être bestial.
Naît un désir, premier germe d’un idéal,
Celui d’avoir à soi, sans crainte qu’elle meure,
Une flamme qui brille et réchauffe à toute heure.
Bien avant de savoir se transmettre le feu.
Longtemps, d’un âge à l’autre, on se lègue ce vœu ;
Et ce vœu d’être roi de la flamme domptée.
C’est, dans l’homme mortel, l’immortel Prométhée.


I


L’homme est dans la caverne ; il la ferme d’un roc.
Chaque jour, poursuivant les rennes ou l’auroch.