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Liadières, Wailly, Empis, Mazères, etc. ; et naturellement encore, plus ils se soutiennent, plus ils écartent ou ajournent les vrais talens, plus ils éloignent le public, le monstre, comme l’appelait Gozlan, un monstre qui veut qu’on lui plaise et fait vivre ceux qui lui plaisent.

Arsène Houssaye affirme que le foyer de la Comédie est un des trois ou quatre salons où l’homme le moins timide n’entre pas sans émotion, parce que chaque arrivant se sent dévisagé d’un œil d’acier : « Dans un salon ordinaire, il y a au moins le maître et la maîtresse de la maison qui vous font bon accueil ; mais, dans ce salon extraordinaire, pas un signe de bonne grâce : le silence si on s’approche, la mousqueterie railleuse si on s’éloigne. Aussi beaucoup de mondains curieux ne s’y risquent pas deux fois ; du moins c’était ainsi pendant les années de ma direction. Les étrangers qui tenaient bon étaient, pour ainsi dire, du bâtiment ; comme par exemple Roqueplan, directeur de l’Opéra et amant de Delphine Marquet, dont la belle chevelure lui inspira une page rayonnante sur les blondes. Alfred Arago était un des fervens, sans être attaché à celle-ci plutôt qu’à celle-là… Ponsard et Augier se retrouvaient souvent au foyer. Alfred de Musset y faisait une pause, mais il aimait mieux mon cabinet, tout aussi bien peuplé. Quelques amoureux de ces dames, plus ou moins princes, ministres ou ambassadeurs, les accompagnaient au foyer, ou les y attendaient retour des coulisses. On y voyait aussi quelques critiques, comme le duc de Rovigo, Paul de Saint-Victor, Edouard Houssaye, Xavier Aubryet, Albéric Second, Limayrac, Octave Lacroix… On avait dit, pour symboliser les intrigues du foyer, que c’était un foyer d’incendie et un foyer d’intrigues ; la vérité, c’est qu’on n’y jetait pas le feu à pleines mains, et qu’on n’y méditait pas la mort de son prochain. Le plus souvent, on se serait cru au foyer de Pénélope, tant on y filait de la laine. Pendant un temps aussi, on le surnomma : le foyer des petits ménages, parce que chaque actrice y chuchotait avec son acteur. »

La vérité aussi, c’est que, dès son début, Arsène Houssaye avait ouvert les coulisses et le foyer aux peintres, aux poètes, aux Jeune-France, aux rédacteurs de l’Artiste, à tous ceux qui portaient un nom dans les lettres et dans les arts. Ricourt, Gaiffe, Faustin Besson, Chaplin, Dumaresq, Banville, Philoxène Boyer, etc., contribuèrent à l’agrément du foyer. Et il faut