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cancans de Coppet, la pièce de ce soir, les ridicules de celui-ci, l’infidélité de celle-là, les concours académiques, les excentricités verbales du cardinal Maury, les amours de Mlle X…, les boutades de certains émigrés, le caprice de l’Empereur pour une belle tragédienne. Pauvre Georges ! Après un entretien des plus tendres, elle a cru flatter César en lui demandant son portrait : il va vers un secrétaire, prend un double napoléon, et l’offre gravement à Georges : « Le voilà, dit-il, on prétend qu’il me ressemble. » Au contraire, Devienne n’a qu’à se louer du grand homme. On venait de jouer au château de Saint-Cloud, — le souper des comédiens se faisait attendre, elle s’en plaignait un peu, quand l’Empereur vint à passer. On crut qu’il n’avait rien entendu, mais cinq minutes après il reparut, et dit gracieusement à l’actrice : « Vous êtes servis. » Napoléon ne laissait pas de se complaire aux infiniment petits : peut-être lui parut-il piquant de témoigner des égards à la Comédie dans la personne de Devienne, bourgeoise ayant pignon sur rue ; peut-être aussi ne faut-il pas chercher de grandes causes à de minimes actions. S’il rembarrait ses favorites, à plus forte raison Napoléon n’épargnait-il pas celles dont il croyait avoir à se plaindre, et l’on fit des gorges chaudes au sujet de cette jolie Bourgoin que le Tsar commençait à distinguer : l’Empereur le calma soudain en servant à son bon frère une médisance ou une calomnie. L’actrice se vengeait à son tour, en affichant, sous la Restauration, un royalisme fougueux : elle parut sur la scène avec des rubans blancs, des fleurs de lys, et captiva un instant le Duc de Berry : elle avait le goût des grandeurs.

Les groupes se joignent, se séparent, se reforment, gravitent d’instinct vers la beauté, vers les causeurs professionnels ; Louise Contat, Arnault, Lemercier, Gabriel Legouvé, Andrieux, Ségur sans cérémonie, Desfaucherets, Vigée, Ducis, Picard, Demoustier, Michot, etc. Plus d’un auditeur remportera demain un succès de salon avec les anecdotes qu’il aura récoltées la veille au foyer.

Quant à Raucourt, Legouvé racontait d’elle une exclamation qui fit les délices des habitués du foyer, égaya même les hôtes des Tuileries. Elle se déshabillait dans sa loge après avoir joué ; il ne lui restait que sa chemise ; quelqu’un frappe à la porte : « N’entrez pas ! s’écrie-t-elle. — Pardon ! fait le visiteur, dont