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Si ces raisonnemens sont trompeurs, si l’Océan engloutit vraiment en pure perte les millions qu’on y jette et les existences qu’on lui consacre, il faut donc que l’univers entier se trompe. Point de nation qui ne se précipite vers la mer libre ; point d’Etat maritime qui ne veuille des bateaux de guerre, les plus gros, les plus nombreux possible. Serions-nous les seuls à ne pouvoir soutenir la concurrence, nous les banquiers du monde, nous dont les réserves financières alimentent tous les emprunts internationaux ! Serions-nous les seuls à méconnaître l’intérêt de la grandeur navale, nous dont la marine a si souvent commandé les destins ! Enfin, dans le pressant danger d’un voisinage comme celui de l’Allemagne conquérante, de l’Allemagne surpeuplée, lui laisserons-nous encore l’avantage d’une arme qui peut aller jusqu’à centupler le rendement militaire du soldat ?

Telle est la question que posent l’optimisme officiel, l’indifférence publique, le découragement maritime. À cette question, le programme naval, dans quelques semaines peut-être, va répondre. Il faut que les Chambres et le pays en aient bien pesé les conséquences.


GEORGES BLANCHON.